Sébastien FAURE - Il faut briser le cercle infernal (1932)

 



IL FAUT BRISER LE CERCLE INFERNAL*


    Comme vous le voyez, mes chers camarades, nous tournons dans un cercle infernal. Ce cercle infernal,
il est indispensable de le briser. Comment? Un seul moyen, toujours le même. Ma conclusion ne change pas, quel que soit le sujet que je traite, ma conclusion est toujours la même, parce qu’il ne peut y en avoir une autre: nécessité d’une transformation sociale, mettant fin au contrat social qui nous régit, brûlant toutes les vieilles archives, les vieux contrats disparaissant, donnant naissance à des archives nouvelles, à des contrats nouveaux.

    Ce cercle infernal, dans lequel nous sommes enfermés, qu’il faut briser, c’est la société capitaliste et autoritaire. Qui donc peut la briser? La réponse est facile. Qui peut briser le cercle, si ce n’est le prolétariat, la classe ouvrière, éternelle victime? 

    Plus que jamais, mes chers camarades, il convient de rappeler cette déclaration de la première Internationale: «L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes». 

    Entendez-moi bien; je dis, et je le dis à la suite des fondateurs de la première Internationale: «L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes». Cela signifie que ce ne sera pas l’œuvre d’un Messie, l’œuvre d’un Tribun, l’œuvre d’un Parti, l’œuvre d’un Parlement, l’œuvre d’un État quelconque, mais l’œuvre des Travailleurs groupés, des Travailleurs unis et réunis, dans la seule organisation de classe qu’on appelle le «Syndicat».

    Oui, le salut est en effet dans le Syndicalisme; mais pas dans un syndicalisme s’inspirant de l’intérêt général. Il n’y a pas d’intérêt général, il n’y a que des intérêts opposés: l’intérêt du patron est opposé à celui de l’ouvrier, l’intérêt du vendeur est opposé à celui de l’acheteur, l’intérêt du propriétaire est opposé à celui du locataire. Du haut en bas de l’échelle sociale, il y a un dualisme constant d’intérêts. Dès lors, il ne peut pas y avoir d’intérêt général. 

    Le salut n’est pas, non plus, dans un syndicalisme constituant une sorte d’appareil économique, s’adaptant à l’État bourgeois et le fortifiant, mais tout au contraire, dans un syndicalisme réfractaire à toute adaptation de ce genre. 

    Le salut n’est pas dans un syndicalisme aux revendications timides et partielles; mais dans un syndicalisme aux revendications audacieuses et fondamentales. 

    Il n’est pas dans un syndicalisme s’ingéniant à aménager et organiser le travail dans le cadre capitaliste; mais au contraire, résolu à organiser le travail sur des bases diamétralement opposées, en ce qui concerne la production et la consommation. 

    Enfin, le salut n’est pas dans un syndicalisme qui s’attache à prolonger, à sauver le régime, mais dans un syndicalisme qui travaille à précipiter, à assurer l’effondrement de ce régime. 

    Cette œuvre, Travailleurs qui m’entendez, est et ne peut être que la vôtre! Cette œuvre est magnifique, elle est passionnante, elle est seule féconde et libératrice! 

    Arrachez-vous à votre indifférence! Mettez un terme à vos divisions intestines! Faîtes le plus tôt possible, entre vous, l’unité nécessaire; libérez le travail et libérez-vous vous-mêmes! Fondez, par une entente libre et commune, fondez un monde nouveau. Alors, plus de chômage!

    Dans une société où le travail occupera la place qui lui appartient, quand il y aura en quantité surabondante de quoi satisfaire aux besoins de la vie, les heures de loisir et de culture s’ouvriront devant vous! Au lieu d’être frappés par le mal dont souffrent aujourd’hui les sans-travail, vous jouirez, alors, pendant quelque temps, du repos qui est nécessaire, des loisirs qui s’offriront à vous, du plaisir et de la joie qu’il y a à cultiver son intelligence, à raffermir sa volonté, à se sculpter une personnalité plus ardente, plus vive, plus forte, plus digne, en un mot meilleure et plus belle! 

    Et tout cela, toujours pour aller de plus en plus vers une société de bien-être et de liberté! De plus en plus de bien-être pour tous, de plus en plus de liberté pour tous. 

    Ce sera le rêve des anarchistes devenu douce, bienfaisante et féconde réalité!


Sébastien FAURE

* : «La crise économique et le chômage» - Conférence faite à Paris au Théatre de Belleville en 1932).

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