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vendredi 12 avril 2024

1er MAI 2024 (rendez-vous et illustrations)

    Le mercredi 1er mai à 09:30, une délégation de l'Union Régionale Île-de-France Force Ouvrière (URIF FO) se rendra au Père-Lachaise devant le Mur des Fédérés ainsi que devant la tombe de Léon Jouhaux.

    Ensuite, rendez-vous Place d'Italie pour la manifestation dont le cortège partira à 12:00 pour se diriger vers la Place de la Commune de Paris à moins d'1km de là.

    Au menu sur cette place, stands de l'URIF FO, de l'AFOC, de FO Cheminots, des métallos de Poissy, de la FGF FO, qui assureront restaurations, vente de livres, dégustation de produits, matériel syndical etc... et tout cela accompagné de prises de parole et d'interludes orchestraux. 

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LE SYNDICALISME PRÉPARE L'ÉMANCIPATION DES TRAVAILLEURS *

Églantine ou muguet ?





 


 

* Résolution d'Amiens (1906)

lundi 8 avril 2024

ÉGLANTINE ou MUGUET ? La bataille du 1er mai



ÉGLANTINE ou MUGUET ?

La bataille du 1er mai.

 

    Églantine ou muguet ? La journée du 1er mai a vu, depuis la fin du siècle dernier et jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, s'affronter les partisans des deux fleurs. C'est finalement le blanc muguet, fleur de la Vierge et des amoureux, qui l'a emporté, au détriment de la rouge églantine des socialistes.

    Dès la première manifestation du 1er mai, en 1890, un insigne à la boutonnière permettait aux participants de se faire remarquer dans les rues parisiennes. C'était un petit triangle rouge, symbole de la division harmonieuse de la journée en « trois huit » - travail, sommeil, loisir -, revendication initiale du 1er mai [1].

8 heures de travail, 8 heures de sommeil, 8 heures de loisir

    Dès lors, le port d’un signe conventionnel en ce jour sera assimilé à une manifestation à part entière, surtout lorsque le 1er mai tombera un dimanche et que les manifestants tiendront à se distinguer des simples flâneurs. Les commissaires de police prennent l'habitude de surveiller les « boutonnières fleuries » qui, à certaines époques, étaient passibles d'emprisonnement. En 1929, Le Petit Journal se moque de ce que la moindre marque rouge sur les vêtements d'un piéton le rende suspect aux yeux de la police.

    Ce n'est pourtant qu'en 1895 que Paul Brousse, dans La Petite République française, propose de choisir le signe qui mobilisera le mieux les socialistes : « Ce n'est pas avec le cerveau qu'on émeut les masses, c'est avec le cœur, l'image, l'art, les sentiments. » Il s'agit de fonder une nouvelle symbolique qui ne relève ni du folklore ridicule ni de l'iconographie traditionnelle. Tout le monde sera d'accord pour recourir à la fleur.

    La symbolique des fleurs est un phénomène caractéristique de la Belle Époque : des guirlandes végétales ornent les programmes des journées revendicatives, les représentations du changement social que les socialistes diffusent au-delà des frontières nationales font une large part aux fleurs. On constate également une pléthore d'ouvrages consacrés aux fleurs [2]. Dès les premières années, on entend dire - même chez les socialistes - que le 1er mai, choisi par les ouvriers pour revendiquer les huit heures, célèbre aussi la jeunesse, le retour de la belle saison.

    Mais quelle fleur adopter ? Le courrier des lectrices de La Petite République propose le lilas, le myosotis, le bleuet... C'est l'églantine qui devient finalement le symbole de la foi en la Révolution, devançant l'œillet encore trop associé au boulangisme, ce mouvement populiste, militariste et xénophobe qui venait de connaître un triomphe éphémère. L'églantine était traditionnellement cueillie dans le Nord de la France, région où le 1er mai prit son essor et où L'Internationale fut chantée pour la première fois. Cela a sans doute contribué à faire du chant et de la fleur des éléments rituels de la journée. En 1909, par exemple, les employés du central télégraphique de Paris, qui arborent tous la fleur socialiste, retirent les fiches de communication à chaque tour d'horloge pour entonner le chant révolutionnaire.


    Le muguet, lui, commence à se diffuser dans les premières années du XXe siècle. Contrairement aux idées reçues, sa tradition est bien localisée en Ile-de-France. Existant ailleurs, associé à une imagerie religieuse, il est parfois appelé « larmes de la Vierge », puisque mai est le mois de Marie. A l'époque, il ne semble être cueilli que dans les bois de Chaville et de Meudon, et on ne l'associe pas à une journée particulière, mais seulement à l'amour et au bonheur.

    C'est en 1907, un an après la « grande frousse » - la Confédération Générale du Travail avait déclaré : « A partir du 1er mai nous ne travaillerons plus que huit heures » -, que le muguet fait son apparition dans la presse à l'occasion du 1er mai : « Hier, les ouvriers ont travaillé comme de coutume et on n'aurait jamais su que l'on était au 1er mai sans l'abondance des muguets qu'on vendait sur les petites voitures et un défilé de cuirassiers sur les boulevards. -[3] » En 1909, même L'Humanité se joint au concert : « Le 1er mai n'est pas seulement une journée de revendications ouvrières. C'est aussi la fête du muguet et des petites jeunes femmes qui s'en font offrir par leurs soupirants. »

    La presse veut créer une histoire à « la journée du muguet » : elle rapporte de vieilles coutumes et des légendes, elle publie de mièvres histoires d'amour autour du thème des « muguets de mai ». La « frêle et délicate fleur blanche » devient alors le personnage incontournable de la journée, sa photo trône à la Une avec le mot d'ordre « Fleurissez-vous, mesdemoiselles ».

    Le muguet fait son apparition sur les corsages et les chapeaux des employées de la couture parisienne, les frivoles « midinettes ». Il vient étayer une certaine image de la femme, docile devant son patron à l'atelier, impuissante face au séducteur dans la rue. Une image bien différente de celle qu'offraient les rares participantes aux 1er mai syndicalistes, auxquelles l'opinion prête l'allure de pétroleuses aguerries. La midinette permet d'une certaine façon de féminiser le 1er mai, de rendre plus « gracieuse » et moins redoutable cette journée des travailleurs où la présence masculine est écrasante.


    On fait désormais allusion à la vente du muguet pour minimiser l'ampleur des pratiques syndicales : « Le 1er mai n'est pas jour de chômage pour les marchandes de muguet », lit-on volontiers dans la presse. Ou encore : « Les marchandes arborent au sommet de la pyramide de fleurs de grandes pancartes blanches annonçant du beau muguet fleuri » - et non des doléances malvenues. Car, conclusion lénifiante, le 1er mai « n'autorise sur terre que les batailles de fleurs » [4].

    La concurrence entre l'églantine et le muguet se dessine alors. En 1910, à en croire Le Petit Journal, « la claire fleur des amoureux, évocatrice d'espoirs, avait plus de partisans que la fleur rouge, symbole des revendications sociales ». La lutte entre les deux fleurs devient, dans la presse, le moyen de décrire le 1er mai.

    Ainsi, lorsqu'il est largement suivi mais tranquille, on titre « les noces du muguet et de l'églantine ».

    Au-delà du 1er mai, la lutte politique s'exprime, jusqu'à la fin des années trente, par la bataille des fleurs. Ainsi, pour évoquer les adversaires des combats de rues dans l'entre-deux-guerres, Anatole France les nomme « œillets » et « églantines » ; Maurice Barrés appelle les socialistes « églantinards » et, lors du triomphe du Front populaire en 1936, un dessin humoristique montre les panneaux électoraux des deux fleurs rivales : « Paraît que Muguet s'est fait tirer les cloches par Coquelicot. »

    La grande presse, elle, préfère le muguet. Dans les années vingt, les reportages et les photographies rendent compte, avec force détails, d'une nouvelle coutume créée autour de la fleur blanche : une jeune fille élue « reine » et accompagnée de forts des halles parisiennes offre un brin de muguet au président de la République. Cette imagerie populaire favorise la vogue du muguet aux quatre coins de France. Et l'églantine, fleur sauvage, ne peut plus rivaliser avec un produit vendu presque industriellement.

    On connaît la suite. De nos jours, la seule fleur que les communistes vendent, même lorsqu'il n'y a pas de cortèges, c'est le muguet. Une étape a sans doute été franchie lors du rassemblement politique et symbolique qu'était le Front populaire. Le « compromis » du muguet cravaté de petits nœuds rouges, remarqué par les journalistes dans les meetings de mai 1936, ira de pair avec le chant de La Marseillaise et la récupération des valeurs d'une culture nationale, amorcée, au premier chef, par les communistes. Les 1er mai du Front populaire cesseront d'avoir l'éclat de naguère, au profit du 14 juillet, et la fleur de la « Fête du Travail » ne sera plus rouge aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale.

Propagande du régime de Vichy

    Avec le muguet survit le symbolisme du blanc, cher au régime de Vichy (*) : ce symbole contre-révolutionnaire illustre désormais une journée qu'autrefois on voulait révolutionnaire : le 1er mai a été ainsi « blanchi ».

Note :

1. Cf. M. Rodriguez, Le I" mai, Gallimard, 1990. 

2. A. Spinelli, Ce que disent les fleurs, 1884 ; Ph. de Vilmorin, Les Fleurs de Paris, culture et commerce, 1892 ; M. Maeterlinck. L'Intelligence des fleurs, 1907, etc. 

3. Le Siècle, 2 mai 1907. Les mêmes formules apparaissent dans La Petite République et Le Petit Journal. 

4. Le Petit Journal, 2 mai 1908 ; Le Petit Parisien, 2 mai 1907. 5. L'Œuvre, 2 mai 1936.
 

(*) En 1941, le gouvernement de Vichy renomme la fête des travailleurs [**] : Fête du travail et de la concorde sociale et interdit le port de l’églantine.

[**] note de l'administrateur du blog  : annotation erronée. C'est la Journée internationale des Travailleurs car le 1er mai n'est pas un jour de fête sauf interlude vichyssois, mais une journée de lutte et de revendications ouvrières.

 

Source :  Églantine ou muguet ? La bataille du 1er mai. Article de la revue L’Histoire, n° 144, mai 1991.