Un mal qui répand la terreur, Mal que le Ciel en sa fureur Inventa pour punir les crimes de la terre 1, La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom), Capable d’enrichir en un jour l’Achéron 2, Faisait aux animaux la guerre. Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés : On n'en voyait point d'occupés À chercher le soutien d'une mourante vie 3 ; Nul mets n'excitait leur envie ; Ni loups ni renards n'épiaient La douce et l'innocente proie. Les tourterelles se fuyaient : Plus d'amour, partant 4 plus de joie. Le Lion tint conseil, et dit : « Mes chers amis, Je crois que le Ciel a permis Pour nos péchés cette infortune ; Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du céleste courroux ; Peut-être il obtiendra la guérison commune. L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents 5 On fait de pareils dévouements 6 : Ne nous flattons 7 donc point ; voyons sans indulgence L'état de notre conscience. Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons, J'ai dévoré force moutons. Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense 8 ; Même il m'est arrivé quelquefois de manger Le berger. Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi : Car on doit souhaiter selon toute justice Que le plus coupable périsse. - Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon roi ; Vos scrupules font voir trop de délicatesse. Eh bien, manger moutons, canaille, sotte espèce. Est-ce un péché ? Non non. Vous leur fîtes, Seigneur, En les croquant beaucoup d'honneur; Et quant au berger, l'on peut dire Qu'il était digne de tous maux, Étant de ces gens-là qui sur les animaux Se font un chimérique empire. » Ainsi dit le Renard ; et flatteurs d'applaudir. On n'osa trop approfondir Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances, Les moins pardonnables offenses. Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples mâtins 9, Au dire de chacun, étaient de petits saints. L’Âne vint à son tour, et dit : « J’ai souvenance Qu’en un pré de moines passant, La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et je pense Quelque diable aussi me poussant, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue. Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net. » À ces mots, on cria haro 10 sur le baudet. Un Loup, quelque peu clerc 11, prouva par sa harangue Qu’il fallait dévouer ce maudit animal, Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal. Sa peccadille fut jugée un cas pendable. Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable ! Rien que la mort n’était capable D’expier son forfait : on le lui fit bien voir. Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour 12 vous rendront blanc ou noir.
1: « Se dit quelquefois de la colère de Dieu. » (dictionnaire de l'Académie 1694) 2: dans la mythologie : fleuve des Enfers, frontière du royaume des Morts. Allusion à la peste de Thèbes décrite par Sophocle dans Oedipe-Roi ou Thucydide (Guerre du Péloponnèse) ou Lucrèce (De Natura Rerum, VI, v. 1173-1215). 3: à chercher à se nourrir. 4: par conséquent. 5: ce qui arrive par hasard ; ici : malheur imprévu. 6: acte de quelqu'un qui se sacrifie pour la patrie, comme victime expiatoire offerte aux dieux ; exemples romains. 7: ne nous traitons point avec douceur. 8: tort qu'on fait à quelqu'un. En théologie, péché. 9: chien gardant la basse-cour ou un troupeau. 10: Exclamation en usage à l'époque pour arrêter les malfaiteurs et les mener devant le juge : « Crier haro sur », sur expressions-francaises.fr (consulté le 26 mars 2021). 11: gens de justice ou gens d'Église. 12: cour de justice.
[Intro : JF Richet & Madj] - Lois Deffere, lois Jox, lois Pasqua ou Debre, une seule logique - La chasse à l'immigré. Et n'oublie pas tous les décrets et circulaires Nous ne pardonnerons jamais la barbarie de leurs lois inhumaines - Un état raciste ne peut que créer des lois racistes - Alors assez de l'anti-racisme folklorique et bon enfant dans l'euphorie des jours de fête - Régularisation immédiate de tous les immigrés sans papiers et de leurs familles - Abrogation de toutes les lois racistes régissant le séjour des immigrés en France - Nous revendiquons l'émancipation de tous les exploités de ce pays - Qu'ils soient Français ou immigrés. Et au fait, qu'est-ce que t'en penses toi ?
[Couplet 1: Rockin'Squat] Je ne veux pas faire de politique, ma mission est artistique Mais quand je vois tout le trafic, on ne peut pas rester pacifique Les lois qu'ils veulent mettre en application corroborent mon accusation Trop de mes semblables pètent les plombs pris dans le tourbillon de l'immigration Tout pays au monde expulse ses immigrés clandestins C'est vrai mais la France a une autre responsabilité entre les mains Les faits sont historiques, le peuple français a fait couler son sang Pour écrire noir sur blanc les bases d'une démocratie en Occident Que les dirigeants s'en souviennent, attends, je les illumine Droit d'asile pour les populations victimes De la misère du globe Combattre le racisme, le fascisme, le sexisme et toutes sortes de xénophobes Sans papiers, donc sans droits, sans droits donc écrasés par les lois La justice nique sa "reumdava" quand on voit ses desiderata Au grand jour Je reste lucide dans mon faubourg et garde un oeil sur les vautours
[Couplet 2: Akhenaton] Plus d'excuses, les gens savent très bien pour qui ils votent 52% de fils de putes à Vitrolles une fois pour toutes, c'est clair Idem pour ces ministres mielleux, fielleux Votant des lois pour séduire ce type d'électorat Rappelle-toi qui s'est battu pour la France Couteau entre les dents, rampant, et rien dans la panse Tu collaborais à l'époque, chien, un toutou docile Heureux de voir les Arabes débouler pour libérer ta ville. De Joxe à Debré, je traque les fafs en costard La gauche caviar, la droite de la droite au pouvoir Moyen Resistenza, effet Independenza Tous égaux devant les lois, dixit Sentenza
[Couplet 3: Mystik et Arco] Je suis comme un pionnier, je porte très haut le flambeau J'en place une pour les frères au préau Mes rêves d'autrefois disent au revoir Trop longtemps écrasé, étouffé, assoiffé, je rêve de REVO Je dévore Je tacle l'obstacle, enflamme les consciences qui s'évaporent Les porcs s'installent, s'étalent et tèjent le peuple sur une étroite bordure Tout le monde sait que leur coeur est creux et plein d'ordures Ne voyez-vous pas jusqu'aux pas de vos portes, je baise vos élites Je me sens plus fort, je prends des grades J'empoisonne avec le White Spirit la machine étatique Le rouleau compresseur qui est sans passions contre vos passions Je prends position, au micro je mets des coups de pressions Les bâtards veulent me pousser dans l'impasse que mon ombre perde ma trace Je reste dans la masse, l'arme efficace et je crame le système comme une charasse Ne pète pas plus haut que ton cul si t'es membre des moins costauds Mais dis-moi Mani tu déblatères, t'écrases tes frères comme des blattes à terre pour un drapeau Devant la lumière, sombre sabre reste sobre Pour l'octobre, dans les décombres Réfléchis, jamais ne fléchis, dans l'ombre dénombre tes soldats Qui ne tendent pas l'arme sur leurs tempes, n'est pas, y a pas J'casse trop, je reste fidèle à moi-même Trop de gens parlent, l'argent parle, les agents parlent Procréent trop d'infidèles s'opposant, m'imposant Pour Karl je reste fidèle Même au bout d'une corde, miséricorde, j'casse trop Moi, je fracasse est-ce une histoire de paperasse Ou de couleur de peau, l'odeur de soufre de Méphisto Les gens souffrent à cause des lois racistos Galérianos signale les bastos Les fréros poussés dans la Seine, trop de peine Mi-d'or devant Vincennes je prends position Car là où passent les bâtards c'est la désolation qu ils sèment [Couplet 4: Soldafada et Ménélik] Quoi que tu fasses, le melting pot français est ainsi fait Renoi, Céfran, Rabza, Spanish, Toss Portuguesh, Kung Fu, Macaroni Dans une cité ou pas. L'Etat nous dit zeubi, drôle de démocratie Ménélik, Soldafada sur la dalle, encaissent gauche, droite La tension extrême, l'issue bouchée, la porte trop étroite, direct Ils veulent nous manipuler comme des poupées Nous couper l'herbe sous le pied De façon à ce que les gens ne puissent plus respirer Nous sommes comme des parasites, surtout pas raciste, moi Donc, tes textes, tes lois, réécris-les c'est pas les bons j'crois Nakk sent que ça sent le roussi pour ceux qu'ont un accent Lois Debré ou de force et les droits de l'homme sont absents - C'est ça la France - Ici c'est dur d'entrer comme une forteresse Dire qu'un cousin m'a dit, Nakk, la France c'est fort je reste La marque de la bête, ici, en l'occurrence c'est l'étranger Danger, danger, pour ceux qui par ce fait sont blasés, blasés
[Couplet 4: Yazid] Celui que le facho appelle bicot prend le micro Pour démentir les faux propos, stopper le complot Je jette un œil sur le passé, vous pensiez l'effacer Hélas l'histoire se répète, revient nous offenser, c'en est assez ! Ils jettent encore le discrédit sur mon ethnie Sur tout ce qui est physiquement différent Mais l'harbi monte au créneau, j'ai le droit de veto Je serai le bourreau, je ferai front quoi qu'il advienne Je ne mâcherai pas mes mots La réapparition des vieux démons d'un passé pesant Conforte l'idée que j'ai sur ce racisme latent, d'antan Datant du temps des premières crises dans Un pays qui dans un total désarroi prétend Encore une fois que nous sommes la cause de ce marasme Que c'est notre faute si la France est prise de crises d'asthme Mais qu'ils sachent que je serai toujours sur la brèche, bref Je combats le facho et tous ceux qui sont de mèche
[Couplet 5: Fabe] Vigipirate, carte de résident en danger, délation France aux Français. Guerre avec un grand G Qu'est-ce que tu veux que je fasse face à ces panneaux Qui sont tellement sales qu'ils me font penser à Brigitte Bardot Qu'est-ce qu'il y a ? T'es choqué quand je dis ça ? Ne bouge pas, j'ai pas fini, tu veux mon nom, c'est Befa L'impertinent, celui qui écrit une lettre au Président Que Skyrock, Fun et NRJ censurent impunément évidemment. Personne se sent concerné surtout que dans le pire des cas C'est mes enfants qui seront enfermés Donc fermez-la une fois pour toutes, mon téléphone est sur Écoute, pas de doute, je bosse pas pour les scouts de France Je balance une idée révolutionnaire. Debré hors-la-loi Si tu l'attrapes, mets-lui un coup pour moi Un coup pour nous, un coup pour tout ce qu'ils nous ont fait Un coup pour dire qu'un jour ils finiront par payer leurs méfaits En effet, je l'ai fait, si tu veux me faire un procès T'as droit qu'à un seul essai Donc, essaie de laisser la vérité passer au sujet des Français De ce qu'ils ont fait dans le passé à nos pères et à nos mères C'est que quand je pense à ce que ta France a pris À l'Afrique noire et à l'Algérie De quoi tu nous paries aujourd'hui. 9-7 De quelle dette ? De quels droits ? De quels papiers ? De quelles lois ? De quels immigrés ?
[Couplet 6: Rootsneg] J'en' palé la dwoit NOB con tout neg poté dread tchok les abus Check le mike pok ! Bim an tet zot si zot kwé cé jé mè cé ki ca Zafe l'eta ta la ki pa a fé piès bagaye Ban piès moun toujou minm l'an ka pwofité Ni sa ki, ni sa ki pa ni Moin sé An neg man pa ni Les fruits défendus j'aimerais tellement, tellement Oh oui, tellement y goûter Goûter ce luxe qui orne la vie paisible de ces enculés
Mais vers quel avenir allons-nous ? Vers quelle société allons-nous ? A cette vitesse, autant se tèj Si le mot d'ordre est à la haine Autant tout fracasser dès maintenant Ces fachos m'ont fâchée, ce système d'enfoirés Une fois de plus a semé la haine Le racisme pourrit l'esprit faible Qui ça gêne ? Surtout pas l'Etat, surtout pas Le Pen qui se démène Ces fils de ... veulent la guerre pour mieux frapper l'étranger Restons fiers, restons fiers
[Couplet 7: Djoloff] Domou djoloff moye délloussie di Iene Iatteli djeuf dji fi amone N'dakheté sa ma khoie mo fessati Mie kaddou you bonne yi maye Dague téye thie sa ma khette Thia fa gnouye wovve deuckou nassarane Togone naye fi diamono 1945 Tirailleurs sénégalais, amone nagne Fi n'Dame téye seni dame ack séni seute Gnou l¿ne di torokhale di lene wowe immigrés fatté nagne Dembeu ndéye sane fatté nagnou sou gnouye ahlale Sou gnouye niack dérrétte guigne léne Toureuione n'Dame guigne léne andilone Thie diamonoye thiossane
[Couplet 8: Sleo] Je porte le grade de colonel pour qu'ils m'identifient À quand un matricule pour satisfaire toutes leurs envies C'est comme un safari qu'on prépare sciemment consciemment Une corde raide qu'on pend pour une pendaison d'antan Pour le même coupable, celui qui a pas la couleur locale Ils votent une loi, une deuxième loi Puis on s'en mordra tous les doigts Je veux pas que mes enfants grandissent comme moi dans le néant Si on les laisse faire, ils nous préparent une troisième guerre Je veux plus être l'antilope Le lion qu'on chasse du bout de son canon Droite, gauche, même son de clairon qui sonne faux Si jamais ça pète, je deviendrai leur casse-tête Camouflage tout-terrain, arme au poing Comme dans une guerre de tranchées, déclenchée, orchestrée Par l'hypocrite politique, cas typique d'une mise au point Pour monter l'immigré contre son frère immigré Coulé, noyé dans une vieille stratégie nase, grillée Par les jeunes de ma génération qui gardent 1 oeil ouvert Conscients de l'attitude de la France pendant la deuxième guerre Nationale, radicale, faut que la réaction soit fatale, brutale Pour pas qu'on ait à se plaindre, geindre sans voix Face aux sales lois qu'on a laissé passer sans s'opposer Rebellion organisée pour le 3 Majeur flow Sleo encore une fois porte le drapeau
[Couplet 9: Kabal] Français. Tu dors ! C'est la fin, tes politiciens vont trop vite Dès lors que des artistes s'unissent contre la fourberie et le vice La piste suivie n'est plus strictement artistique, mais aussi politique Soit les lois passent, quoi ? Elles sont dissimulées comme de justes 10 ans après on s'étonne que les immigrés dégustent Soit elles sont appliquées avant d'être votées Et on s'étonne ensuite que certains Ne voient plus l'atteinte à leur liberté Ah ça ira, ça ira, ça ira, ça fait deux-cents ans qu'on attend ça Je doute, je pense, donc je suis Force est de constater à travers nos yeux de banlieusards éclairés Que les avions charters tendent à remplacer les bateaux négriers C'est un dilemme individuel Ne pas se laisser abuser par le superficiel J'ai vu, de mes yeux vu Retourner au pays mon ami, lui qui n'en voulait plus Méticuleusement, mais sûrement, les forces devraient s'unir Pour aller de l'avant en sachant Que ce qui n'est pas sous les feux De leur actualité peut être révoltant Les crimes d'octobre 61 sont un exemple hurlant Émigration moins papiers plus prison égal double peine perdue Français, tu dors !
[Couplet 9: Aze] Pas un centime de sentiment N'estime pas celui qui dit lutter pour la ce-Fran Pas de logique, l'idéologie part en couilles Mais pour analyser, personne ne se mouille Tout le monde tripe sur son bulletin de vote Trois mois après, allez hop, coup de botte Tu t'es fait bé-bar, mais tu l'as bien cherché Et par ta faute le blâme s'installe dans la face des immigrés Cesse de participer au massacre de la conscience Les partis politiques bidons rendent amère la douce France Pense à tes enfants, l'avenir est déjà flou Azé s'est posée, maintenant c'est à toi de gé-bou
[Couplet 10 : Radical Kicker] Prends mes empreintes digitales, fiche-moi Quand je vais et viens, je m'en fiche, moi, des fichiers J'en ai déjà plein, c'est pas d'hier que je subis des humiliations Les gouvernements changent mais il n'y a pas d'amélioration Je rêve plus, mes ambitions sont interdites, mon futur s'effrite Mes droits me quittent, vite fait J'ai compris que l'éthique et l'équité N'étaient pas les mêmes selon ta provenance et ta te-té Ton compte en banque, ta culture, ton langage, ta religion Tout ce qui nous divise est bon pour cette nation Donc vois, voilà ce qu'il ne faut pas faire : On se nique entre nous, l'Etat, lui, fait ses affaires Il n'aime pas notre unité, il n'aime pas nos différences Soyons tous différents et unis Les conséquences se verront, ça paiera ou sinon ça pétera De toute façon, réaction ! On ne peut plus baisser les bras comme ça, gars
[Pont: Passi] Ouais, maintenant v'là le Freeman...
[Couplet 11: Freeman] Assez sait, qui ne sait, si se taire sait Toute extrémité est vice, frère La lumière poursuit l'aveugle, destin amer Je cherche le Bien mais je m'attends au Mal Je flaire Lucifer sur terre Ce que réserve le fou pour la fin Le sage le passe en tête Entêté La vérité n'est pas montrée nue, mais en chemise Plus on sait, moins on affirme Pour te servir, Freeman avec sa firme
[Couplet 12: Stomy Bugsy et Passi] Vos mères, vos mères, vos mères, vos mères... Je commence quand la France défonce des églises à coups de hache Leurs mères Comment tu veux que je respecte tes lois, ton drapeau, ton État Alors que tu ne respectes même pas Dieu ! Au sein du pays du pain, du vin, du Boursin, j'suis pas blond Je nique la hala et j'ai pas les yeux bleus, non ! Mais comme eux je bouffe des pâtes, et j'éclate même leurs rates Exact ! Certains diront je m'en fous de vos trucs, de vos lois Contre-lois, manifestations. Bande de bidons ! C'est pas un morceau de rappeurs qui fera peur Mais on peut quand même engrener, engrener, engrener Allons enfants dans cette saloperie ! Bougez vos fions, question ! Ça parle de révolution Prendras-tu des munitions ? Beaucoup jouent les hardis, pardi Et ne veulent pas mourir ! Alors, vas-y toi, dis-moi comment tu veux le paradis...
Les études précédemment parues concernant la condition ouvrière dans divers pays indiquent assez, quand on les compare, quelle distance sépare des hommes qui portent tous le même nom d’ouvriers. Encore péchaient-elles gravement par abstraction ; car d’une profession à une autre, d’une ville à une autre, et même d’un coin à l’autre d’une même usine, que de différences ! À plus forte raison d’un pays à un autre. Tous les ouvriers travaillent soumis à des ordres, assujettis à un salaire ; pourtant y a-t-il plus que le nom de commun entre un ouvrier japonais ou indochinois et un ouvrier suédois ou un ouvrier français d’après juin 1936 ? Je dis d’après juin 1936, car au cours des sombres années qui ont précédé, la condition matérielle et morale des ouvriers français tendait cruellement à se rapprocher des pires formes du salariat.
L’examen de ces différences suggère qu’elles pourraient sans doute aller plus loin encore. Des hommes pourraient aller plus loin dans la misère et l’esclavage, plus loin dans le bien-être et l’indépendance que ne vont les plus malheureux et les moins malheureux des ouvriers, et porter encore le nom d’ouvriers, le nom de salariés. C’est à quoi on devrait de tous côtés faire plus attention. Les uns, qui méprisent les réformes comme une forme d’action lâche et peu efficace, réfléchiraient qu’il vaut mieux changer les choses que les mots, et que les grands bouleversements changent surtout les mots. Les autres, qui haïssent les réformes comme utopiques et dangereuses, s’apercevraient qu’ils croient à des fatalités illusoires, et que les larmes, l’épuisement, le désespoir ne sont peut-être pas aussi indispensables à l’ordre social qu’ils se l’imaginent.
Il est vrai pourtant qu’il y a, dans les formes les plus élevées de la condition ouvrière, quelque chose de singulièrement instable ; elles comportent peu de sécurité. Autour d’elles les flots de la misère générale agissent comme une mer qui ronge des îlots. Les pays où les travailleurs sont misérables exercent par leur seule existence une pression perpétuelle sur les pays de progrès social pour y atténuer les progrès ; et sans doute la pression inverse s’exerce aussi, mais apparemment beaucoup plus faible, car la première pression a pour mécanisme le jeu des échanges économiques, et la seconde la contagion sociale. Au reste quand le progrès social a pris la forme d’un bouleversement révolutionnaire, il en est encore exactement de même ; ou plutôt le peuple d’un État révolutionnaire semble être à l’égard de ce phénomène encore plus vulnérable et plus désarmé que tout autre. Il y a là un obstacle considérable à l’amélioration du sort des travailleurs. Beaucoup, trompés par des espérances enivrantes, ont le tort de l’oublier. D’autres, mus par des espérances moins généreuses, ont le tort de confondre cet obstacle avec ceux qui tiennent à la nature des choses.
Cette dernière erreur est entretenue par une certaine confusion de langage. On parle sans cesse, actuellement, de la production. Pour consommer, il faut d’abord produire, et pour produire il faut travailler. Voilà ce que, depuis juin 1936, on entend répéter partout, du Temps jusqu’aux organes de la C. G. T., et ce qu’on n’entend, bien entendu, contester nulle part, sinon par ceux que font rêver les formes modernes du mythe du mouvement perpétuel. C’est là, en effet, un obstacle au développement général du bien-être et des loisirs et qui tient à la nature des choses. Mais par lui-même il n’est pas aussi grand qu’on l’imagine d’ordinaire. Car seul est nécessaire à produire ce qu’il est nécessaire de consommer ; ajoutons-y encore l’utile et l’agréable, à condition qu’il s’agisse de véritable utilité et de plaisirs purs. À vrai dire, la justice ne trouve pas son compte dans le spectacle de milliers d’hommes peinant pour procurer à quelques privilégiés des jouissances délicates ; mais que dire des travaux qui accablent une multitude de malheureux sans même procurer aux privilégiés grands et petits de vraie satisfaction ? Et combien ces travaux ne tiennent-ils pas de place dans notre production totale, si l’on osait faire le compte ?
Pourtant de tels travaux sont, eux aussi, nécessaires, d’une nécessité qui tient non à la nature des choses, mais aux rapports humains ; inutiles à tous, ils sont nécessaires en chaque endroit du fait qu’on s’y livre partout ailleurs. La discrimination entre ces deux espèces de nécessités, la véritable et la fausse, n’est pas toujours aisée ; mais il existe pour elle un criterium sûr. Il est des produits dont la disette dans un pays est d’autant plus grave qu’elle s’étend aussi au reste du globe ; pour d’autres, la disette présente d’autant moins d’inconvénients qu’elle est plus générale. On peut ainsi distinguer grossièrement deux classes de travaux.
Si la récolte du blé diminuait en France de moitié, par suite de quelque fléau, les Français devraient mettre tout leur espoir dans une surabondance de blé au Canada ou ailleurs ; leur détresse deviendrait irrémédiable si la récolte avait en même temps diminué de moitié dans le monde entier. Au contraire, que le rendement des usines de guerre françaises diminue un beau jour de moitié, il n’en résultera pour la France aucun dommage, pourvu que pareille diminution ait lieu dans toutes les usines de guerre du monde. Le blé d’une part, la production de guerre de l’autre, constituent des exemples parfaits pour l’opposition qu’il s’agit d’illustrer. Mais la plupart des produits participent, à des degrés différents, de l’une et de l’autre catégorie. Ils servent pour une part à être consommés, et pour une part, soit à la guerre, soit à cette lutte analogue à la guerre qu’on appelle concurrence. Si l’on pouvait tracer un schéma figurant la production actuelle et illustrant cette division, on mesurerait exactement, au jour le jour, combien de sueur et de larmes les hommes ajoutent à la malédiction originelle.
Prenons l’exemple de l’automobile. Dans l’état actuel des échanges, l’automobile est un instrument de transport qui ne pourrait être supprimé sans graves désordres ; mais la quantité d’automobiles qui sort tous les jours des usines dépasse de beaucoup celle au-dessous de laquelle ces désordres se produiraient. Pourtant, une diminution considérable du rendement du travail dans ces usines aurait des effets désastreux, car les automobiles anglaises, italiennes, américaines, plus abondantes et moins chères, envahiraient le marché et provoqueraient faillite et chômage. C’est qu’une automobile ne sert pas seulement à rouler sur une route, elle est aussi une arme dans la guerre permanente que mènent entre elles la production française et celle des autres pays. Les barrières douanières, on le sait trop, sont des moyens de défense peu efficaces et dangereux.
Imaginons à présent la semaine de trente heures établie dans toutes les usines d’automobiles du monde, ainsi qu’une cadence du travail moins rapide. Quelles catastrophes en résultera-t-il ? Pas un enfant n’aura moins de lait, pas une famille n’aura plus froid, et même, vraisemblablement, pas un patron d’usine d’automobiles n’aura une vie moins large. Les villes deviendront moins bruyantes, les routes retrouveront quelquefois le bienfait du silence. À vrai dire, dans de telles conditions, beaucoup de gens seraient privés du plaisir de voir défiler les paysages à une cadence de cent kilomètres à l’heure ; en revanche des milliers, des milliers et des milliers d’ouvriers pourraient enfin respirer, jouir du soleil, se mouvoir au rythme de la respiration, faire d’autres gestes que ceux imposés par des ordres ; tous ces hommes, qui mourront, connaîtraient de la vie, avant de mourir, autre chose que la hâte vertigineuse et monotone des heures de travail, l’accablement des repos trop brefs, la misère insondable des jours de chômage et des années de vieillesse. Il est vrai que les statisticiens, en comptant les autos, trouveraient qu’on a reculé dans la voie du progrès.
La rivalité militaire et économique est aujourd’hui, et restera vraisemblablement un fait qu’on ne peut éliminer que dans la composition d’idylles ; il n’est pas question de supprimer la concurrence dans ce pays, à plus forte raison dans le monde. Ce qui apparaît comme éminemment souhaitable, ce serait d’ajouter au jeu de la concurrence quelques règles. La résistance de la tôle au découpage ou à l’emboutissage est à peu près la même dans toutes les usines de mécanique du monde ; si on pouvait en dire autant de la résistance ouvrière à l’oppression, aucun des effets heureux de la concurrence ne disparaîtrait, et que de difficultés évanouies !
Dans le mouvement ouvrier, cette nécessité d’étendre au monde entier les conquêtes ouvrières de chaque pays socialement avancé est passée depuis longtemps au rang de lieu commun. Après la guerre, la lutte de tendances roulait essentiellement sur la question de savoir s’il fallait chercher à assurer cette extension au moyen de la révolution mondiale ou au moyen du Bureau International du Travail. On ne sait pas ce qu’aurait donné la révolution mondiale, mais le B. I. T., il faut le reconnaître, n’a pas réussi brillamment.
À première vue, on pourrait supposer que lorsqu’un pays a réalisé des progrès sociaux qui le compromettent dans la lutte économique, toutes les classes sociales de ce pays doivent, ne serait-ce que par intérêt, unir leurs efforts pour donner aux réformes accomplies la plus grande extension possible en dehors des frontières. Il n’en est pourtant pas ainsi. Les feuilles les plus respectables de chez nous, généralement considérées comme les porte-paroles de la haute bourgeoisie, répètent à satiété que la réforme des quarante heures sera admirable si elle devient internationale, ruineuse si elle reste seulement française ; cela n’a pas empêché, sauf erreur, certains de nos représentants patronaux à Genève de voter contre les quarante heures.
Pareilles choses n’auraient pas lieu si les hommes n’étaient menés que par l’intérêt ; mais à côté de l’intérêt, il y a l’orgueil. Il est doux d’avoir des inférieurs ; il est pénible de voir des inférieurs acquérir des droits, même limités, qui établissent entre eux et leurs supérieurs, à certains égards, une certaine égalité. On aimerait mieux leur accorder les mêmes avantages, mais à titre de faveur ; on aimerait mieux, surtout, parler de les accorder. S’ils ont enfin acquis des droits, on préfère que la pression économique de l’étranger vienne les miner, non sans dégâts de toutes sortes, plutôt que d’en obtenir l’extension hors des frontières. Le souci le plus pressant de beaucoup d’hommes situés plus ou moins haut sur l’échelle sociale est de maintenir leurs inférieurs « à leur place ». Non sans raison après tout ; car s’ils quittent une fois « leur place », qui sait jusqu’où ils iront ?
L’internationalisme ouvrier devrait être plus efficace ; malheureusement on ne se tromperait pas de beaucoup en le comparant à la jument de Roland, qui avait toutes les qualités sauf celle d’exister. Même l’Internationale socialiste d’avant-guerre était surtout une façade, et la guerre l’a bien montré. À plus forte raison n’y a-t-il jamais eu, dans l’Internationale syndicale, si cruellement mutilée aujourd’hui du fait des États dictatoriaux, ni action concertée, ni même contact permanent entre les différents mouvements nationaux. Sans doute, dans les grands moments, l’enthousiasme déborde les frontières ; on a pu le constater en ce mois épique de juin 1936, et on a vu l’occupation des usines non seulement s’essayer en Belgique, mais encore enjamber l’océan et trouver aux États-Unis une extension inattendue. Sans doute aussi on a vu parfois une grande lutte ouvrière partiellement alimentée par des souscriptions venues de l’étranger. Néanmoins il n’y a pas de stratégie concertée, les états-majors n’unissent pas leurs armes et ne mettent pas d’unité dans leurs revendications ; on constate souvent même une ignorance surprenante à l’égard de ce qui se passe hors du territoire national. L’internationalisme ouvrier est jusqu’ici plus verbal que pratique.
Quant au gouvernement, son action serait décisive en cette matière, s’il agissait. Car un certain nivellement dans les conditions d’existence des ouvriers des différents pays — nivellement vers le haut, si l’on peut ainsi parler — ne peut guère être conçu que comme un élément dans ce fameux règlement général des problèmes économiques mondiaux que chacun reconnaît comme indispensable à la paix et à la prospérité, mais qu’on n’aborde jamais. Réciproquement, l’action ouvrière sera, par un triste paradoxe, et malgré les doctrines internationales, un obstacle à la détente des rapports internationaux aussi longtemps qu’on se laissera vivre dans la déplorable incurie actuelle.
C’est ainsi que les ouvriers français redouteront toujours de voir pénétrer en France les travailleurs des pays surpeuplés aussi longtemps que les étrangers y seront légalement abaissés à une situation de parias, privés de toute espèce de droits, impuissants à participer à la moindre action syndicale sans risquer la mort lente par la misère, expulsables à merci. Le progrès social dans un pays a comme conséquence paradoxale la tendance à fermer les frontières aux produits et aux hommes. Si les pays de dictature se replient sur eux-mêmes par obsession guerrière, et si les pays les plus démocratiques les imitent, non seulement parce qu’ils sont contaminés par cette obsession, mais aussi du fait même des progrès accomplis par eux, que pouvons-nous espérer ?
Toutes les considérations d’ordre national et international, économique et politique, technique et humanitaire, se joignent pour conseiller de chercher à agir. D’autant que les réformes accomplies en juin 1936, et qui, s’il faut en croire certains, mettent notre économie en péril, ne sont qu’une petite partie des réformes immédiatement souhaitables. Car la France n’est pas seulement une nation ; elle est un Empire ; et une multitude de misérables, nés par malheur pour eux avec une peau d’une couleur différente de la nôtre, avaient mis de telles espérances dans le gouvernement de mai 1936 qu’une si longue attente, si elle reste déçue, risque de nous amener un de ces jours des difficultés graves et sanglantes.
Article de Maxime Vuillaume (1844-1925) paru dans Le Floréaln°17 du 29 mai 1920
Maxime Vuillaume fut fondateur, sous la Commune, avec Eugène Vermersch et Alphonse Humbert, du journal Père Duchêne ; membre, en Suisse, de l’Internationale « bakouninienne »; auteur de Mes Cahiers rouges (1908).