Le 31 octobre 1908, le jour même de la libération des dirigeants de la CGT emprisonnés à la suite des événements de Draveil-Villeneuve-Saint-Georges, Georges Sorel décidait de mettre brutalement fin à sa collaboration au Mouvement socialiste, la revue à laquelle il avait consacré toute son énergie au cours des trois dernières années [1]. L’ordonnance de non-lieu, prise à l’instigation du ministre de la Justice, lui paraissait inaugurer des manœuvres politiciennes pouvant conduire à transformer la CGT en « organe auxiliaire » d’un futur gouvernement Briand [2]. Devant le refus de Lagardelle de se démarquer de la tendance syndicaliste de la SFIO, regroupée autour du journal l’Action directe et animée principalement par Ernest Lafont et André Morizet, en qui il voyait des « politiciens à faux nez syndicaliste » et les instigateurs des dérives de la direction de la CGT, et afin de n’être « ni dupe ni complice », il choisit de se retirer « dans [s]on trou [3] ». Le départ silencieux de Sorel [4], bientôt suivi par celui de Berth, amorçait non seulement le déclin du Mouvement socialiste, qui était, d’après lui, « en passe de devenir la première revue socialiste d’Europe [5] », mais il marquait en même temps la fin de la « nouvelle école » qui avait eu pour ambition de donner une « philosophie » au syndicalisme révolutionnaire.
En France Sorel se tint strictement à sa résolution de ne pas sortir de sa retraite. À la fin de l’année il écrivit à Pouget pour lui confirmer qu’il renonçait à participer à la Révolution, le journal syndicaliste que celui-ci s’apprêtait à lancer :
Cher camarade,
Depuis plusieurs mois j’ai cessé de collaborer au Mouvement socialiste ; le repos intellectuel que je me suis ainsi créé, me va si bien que je désire ne pas sortir de ma retraite ; j’ai dépassé 61 ans et je me trouve heureux de trouver enfin la tranquillité.
Je forme les vœux les plus sincères pour le succès de votre œuvre ; j’admire le courage avec lequel vous allez entrer en guerre contre les apaches de la politique qui s’apprêtent à vous tendre mille pièges ; j’espère que vous réussirez à grouper autour de votre journal les travailleurs qui comprennent la valeur de l’idée syndicaliste. Mais je demande à pouvoir profiter en paix des quelques années qui me restent à vivre.
Votre dévoué [6]
En dehors des rééditions complétées de ses principaux écrits de l’époque de sa collaboration au Mouvement socialiste, les Réflexions sur la violence, Les illusions du progrès et La décomposition du marxisme, Sorel ne se manifesta plus sur le terrain du syndicalisme que par une courte préface, écrite en août 1909, pour une brochure éditée par son ami Paul Delesalle qui réunissait, sous le titre Les objectifs de nos luttes de classes, deux textes de Victor Griffuelhes et Louis Niel, les deux derniers secrétaires généraux de la CGT [7]. Pendant près de dix ans, il n’interviendra plus dans les débats du mouvement ouvrier et il faudra en fait attendre 1920 et la Revue communiste de Charles Rappoport pour voir à nouveau son nom au sommaire d’une revue socialiste en France.
L’analyse que propose Sorel dans ces articles se caractérise par un pessimisme extrême et par une exacerbation de sa critique du caractère démagogique de la démocratie. La décadence du régime parlementaire initiée par la « révolution dreyfusienne » lui paraissait avoir atteint un degré tel qu’il commençait à envisager de s’allier avec la jeunesse révoltée proche de l’Action française pour assurer « la défaite des mufles » [10]. L’arrivée au pouvoir d’Aristide Briand, figure emblématique du « traître », ancien propagandiste de la grève générale devenu partisan de la paix sociale, annonçait le passage de la méthode forte de la répression, incarnée par Clemenceau, à celle de la corruption généralisée et de toutes les intrigues en vue de diviser et d’affaiblir le syndicalisme. Redoutant la multiplication au sein du mouvement ouvrier des jeunes politiciens ambitieux prêts à toutes les surenchères afin d’assurer leur carrière, il considérait que « le parti le plus sage qui puisse être pris aujourd’hui est probablement celui d’attendre les événements et de préparer l’avenir en étudiant le passé [11] ».
Dans un grand article intitulé « Les douleurs de l’heure présente », il revenait sur « la profonde décadence » du syndicalisme révolutionnaire et affirmait que l’heure était à l’examen de conscience et à la recherche des « raisons de l’échec de nos espérances » [12]. Cherchant à analyser quelques-uns des défauts les plus flagrants dans l’action de la CGT, Sorel insistait sur le rôle de sa transformation, à partir de 1906, en une organisation centralisée qui tendait de plus en plus à reproduire en son sein la structure étatique. Il dénonçait aussi la tendance à délaisser le terrain naturel de la lutte économique pour soutenir des revendications politiques, tendance qui menaçait de conduire le syndicalisme à devenir « un succédané du jacobinisme ». Pour Sorel, en cessant d’être « une arme lentement façonnée par les travailleurs pour subvertir les bases économiques de la société », le syndicalisme risquait de se transformer, sous l’influence des intellectuels et des politiciens, en un moyen de « faire marcher les ouvriers avec beaucoup d’autres mécontents contre le gouvernement qui déplaît aux chefs de la politique avancée [13] ».
La dénonciation du rôle corrupteur des intellectuels, en tant que principaux agents de « l’introduction des vieilles idées du révolutionnarisme bourgeois » dans le mouvement ouvrier, ne cesse de s’amplifier et constitue un des leitmotivs de ses réflexions [14]. Celle-ci va prendre une forme emblématique avec un article écrit au début 1910, où, pour la première fois, Sorel va intervenir dans une polémique opposant un des leaders de la CGT à celui qui incarne alors le révolutionnarisme « gauchiste », Gustave Hervé.
Le 1er janvier 1910, Sorel écrivait à Agostino Lanzillo, jeune rédacteur du Divenire sociale, avec lequel il correspondait depuis quelques mois :
Avez-vous lu dans la Guerre sociale du 29 décembre l’article dans lequel Hervé fait la leçon à la CGT et notamment à Yvetot ; voilà le syndicalisme traité de crétinisme ; je n’avais pas été autant maltraité qu’Yvetot par ces prétendus révolutionnaires. Je crois qu’il y aurait un grand intérêt à faire connaître en Italie cette polémique, parce qu’elle montre mieux que tous les raisonnements qu’il y a un abîme entre les jacobins (comme Hervé) et le mouvement vraiment ouvrier. Vous devriez faire reproduire l’article d’Hervé dans le Divenire [15].
Vraisemblablement encouragé par Lanzillo, Sorel rédigea finalement lui-même très rapidement un article, significativement intitulé « Les Intellectuels contre les ouvriers », pour commenter le texte entièrement cité d’Hervé [16]. L’article parut dans le numéro triple du Divenire sociale, daté du 31 décembre 1909, mais publié en réalité au cours du mois de janvier 1910 [17].
Bien plus que l’objet immédiat de la polémique entre Yvetot et Hervé, la campagne de la CGT contre le projet de loi sur les retraites ouvrières, et les commentaires qu’elle suscita [18], ou même la question régulièrement débattue du rôle des intellectuels dans le mouvement ouvrier [19], c’est l’intervention en défense du successeur de Pelloutier à la tête de la Fédération des Bourses et de Pouget comme rédacteur de la Voix du peuple, l’organe officiel de la CGT, un des plus farouches défenseurs de l’autonomie syndicale, qui est ici centrale. En même temps, comme le révèlent divers commentaires inquiets de Sorel dans sa correspondance, l’article apparaît comme une protestation vigoureuse face aux menaces qu’incarne, à ses yeux, la popularité grandissante du « général » Hervé. Alors qu’il avait encore, au moment de sa rupture avec le Mouvement socialiste, voulu voir en Hervé, en dépit de ses « idées absurdes », un allié dans la lutte contre les « politiciens-syndicalistes » [20], Sorel, lecteur assidu de la Guerre sociale, ne tarda pas à dénoncer le révolutionnarisme hervéiste comme un nouveau facteur d’affaiblissement du syndicalisme [21]. Le projet, lancé par Hervé au début 1910, de créer un nouveau parti insurrectionnel et antiparlementaire pour regrouper socialistes mécontents, anarchistes et syndicalistes révolutionnaires, projet dont Sorel s’inquiétait de le voir discuté aussi en Italie, lui paraissait devoir conduire à « la perte totale du mouvement syndicaliste, parce qu’une fois groupés dans un parti les ouvriers retomberaient sous la domination des démagogues [22] ».
C’est cette crainte obsessionnelle de voir le mouvement ouvrier tomber sous la coupe des politiciens et détourné de sa voie qui l’avait amené à se désolidariser du vaste mouvement de protestation en faveur de Francisco Ferrer, quelques mois plus tôt [23]. Dans une interview donnée à l’Action française, une de ses rares interventions publiques en France depuis sa retraite, il avait laissé entendre que le mouvement était téléguidé par la franc-maçonnerie en accord avec le gouvernement Briand et que la Guerre sociale ne faisait que du « journalisme d’opposition canalisée » [24]. Cette prise de position avait fait scandale et lui avait valu d’être violemment pris à parti par le journal d’Hervé au lendemain de l’exécution de Ferrer [25]. Après avoir refusé dans un premier temps de répondre aux critiques, se contentant d’une brève déclaration adressée au Divenire sociale [26], Sorel profita de sa polémique avec Hervé pour réaffirmer que l’affaire Ferrer « n’était pas une affaire syndicaliste » en se référant, de façon ouvertement autocritique, aux enseignements tirés de l’expérience de l’affaire Dreyfus et de ses conséquences pour le mouvement ouvrier. Cela lui vaudra de nouvelles attaques en Italie, notamment de la part de l’anarchiste Luigi Fabbri [27]. Il refusera d’y répondre et laissera Lanzillo mener la polémique dans le Divenire sociale, non sans lui fournir arguments et matériaux [28].
Les travailleurs ont, à l’heure actuelle, si peu la conscience de leur dignité, qu’ils n’ont pas tenu rigueur à Hervé de l’article dans lequel il avait insulté Yvetot et tourné en ridicule le syndicalisme. Le peuple admire Hervé, comme il admirait Briand ; c’est très triste, mais c’est comme cela ; nous n’y pouvons rien faire. J. Guesde, avec tout son talent, n’a jamais été populaire et Pelloutier a été en butte aux attaques les plus véhémentes [31].
L’échec du 1er mai 1910, qui vit le triomphe de Briand sur la CGT, contrainte de décommander piteusement sa grande manifestation parisienne, acheva de le convaincre de la « dégénérescence politique du syndicalisme [32] ». Il ne tarda pas à prendre la décision de cesser d’écrire sur le syndicalisme et de mettre un terme à sa collaboration au Divenire sociale [33].
Dans l’important texte programmatique qu’il rédigea un peu plus tard pour la Cité française, le nouveau projet de revue auquel il pensait se consacrer, il dressa une dernière fois le bilan de l’échec (temporaire) du syndicalisme révolutionnaire. Retraçant le trajet qui menait du 1er mai 1906 au 1er mai 1910 comme celui de la défaite du syndicalisme devant la démocratie, il soulignait à nouveau l’importance de la manifestation pour Ferrer et de son corollaire l’article d’Hervé contre Yvetot comme l’expression du « triomphe » des vainqueurs [34]. L’année suivante, quand il envisagera, à la suite de l’échec de la Cité française, de constituer un volume à partir des textes écrits pour la revue avortée, il choisira d’y faire figurer aussi « quelques fragments déjà publiés » dont « Les Intellectuels contre les ouvriers », le texte lui paraissant « digne d’être conservé [35] ». Ce projet n’ayant lui non plus pas abouti, l’article est finalement publié ici pour la première fois en français.
Ces jours-ci l’opposition qui existe entre les conceptions des jacobins et celles des syndicalistes, s’est manifestée d’une manière singulièrement aiguë à propos de la loi sur les retraites ouvrières que l’on discute au Sénat. La Confédération du travail a protesté contre le système de la capitalisation soutenu par le gouvernement et par Jaurès ; Hervé avait eu l’air de s’offrir pour conduire une manifestation insurrectionnelle ; Yvetot publia, dans la Voix du peuple du 26 décembre, une note intitulée : « Une fois pour toutes », dans laquelle on lisait :
Le langage d’Yvetot n’a jamais passé pour être particulièrement académique ; la boutade qui terminait sa note, ne dépassait pas, en brutalité, ce qu’il a l’habitude soit de dire, soit d’écrire contre les gens qui lui semblent mal orienter l’action ouvrière. Il ne se doutait pas qu’il commettait un crime très grave contre la démocratie en traitant sans façon un ancien professeur devenu « socialiste insurrectionnel » ; Hervé lui fit bien comprendre qu’il y a une hiérarchie dans le socialisme et qu’un typographe ne saurait se regarder comme l’égal d’un Intellectuel ; il répondit le 29 décembre dans la Guerre sociale par un article intitulé « Vœux de nouvel an » ; je crois utile de le reproduire en entier.
Il n’était d’ailleurs pas le premier des gros bonnets de la CGT à venir nous presser de marcher contre le projet basé sur la capitalisation.
Je marchai, non comme un toutou qu’on tient en laisse, mais comme un journaliste indépendant qui n’a l’habitude de lécher les bottes de personne, pas plus celles de la CGT que celles du gouvernement.
Je marchai, en faisant observer que la CGT, malheureusement, arrivait un peu comme les fameux carabiniers ; et qu’en tout cas, une campagne de meetings en vase clos et d’affiches sur les murs me semblait devoir faire autant d’effet qu’un cautère sur une jambe de bois ; que seule une agitation dans la rue serait capable d’émouvoir l’opinion publique et la majorité parlementaire.
Quelle n’est pas notre stupeur à tous ici, à la Guerre sociale, en lisant dans la Voix du peuple un article d’Yvetot, où celui-ci, après avoir rabroué « le professeur Jaurès » – ce parlementaire qui a le tort de s’occuper de la question essentiellement parlementaire des retraites ouvrières – rabroue le professeur Hervé – Yvetot n’aime, décidément, pas les professeurs ! – qui se permet de ne pas admirer bouche bée tout ce que fait la CGT, et d’avoir une opinion sur les retraites ouvrières et sur la tactique à suivre pour faire aboutir un projet vraiment démocratique : « Quant au professeur Gustave Hervé, qui ne peut non plus se déshabituer de donner des leçons et se permet de nous indiquer ce que nous avons à faire, qu’il veuille bien se tranquilliser et défendre l’école laïque. Nous agirons quand nous le jugerons utile, avec ou sans lui. Le syndicalisme est assez grand, assez âgé, assez vivant, assez raisonnable, pour se passer de nourrices, pour se passer de pions. »
Laissons là l’école laïque ; j’en parlerai ce soir au Tivoli.
Le syndicalisme assez grand, assez vivant ! assez… !
Qu’il raconte cela à d’autres, notre ami Yvetot, mais pas à nous qui sommes autant que lui dans la lutte – quoique n’ayant aucun galon confédéral sur les bras – qui parcourons la France en tous les sens autant que lui, qui faisons partout enquête sur enquête et qui constatons avec angoisse son état de langueur et de faiblesse.
Le syndicalisme est assez grand, assez puissant ! Et il n’est seulement pas capable de mettre debout un seul journal vivant ! Il en est même réduit, pour la moindre campagne, à compter sur le concours de l’Humanité, organe du socialisme parlementaire et du syndicalisme réformiste, ou à venir solliciter le concours de la Guerre sociale, le seul journal capable, à l’heure actuelle, de faire entendre avec quelque retentissement le son de cloche révolutionnaire !
Yvetot s’offusque de mes observations sur la nécessité d’une agitation dans la rue, non parce que « le syndicalisme est assez grand, assez vivant pour se passer de nourrices et de pions », mais tout bonnement parce que la CGT ne pourrait réussir cette manifestation qu’avec le concours des « nourrices » et des « pions » de l’Humanité et de la Guerre sociale ; qu’il a peur que les « nourrices » et les « pions » de l’Humanité ne marchent pas et que le syndicalisme si « vivant » et si « puissant », réduit à ses seules forces, donne le spectacle de sa faiblesse et de son impuissance, et s’étale piteusement dans la rue, les quatre fers en l’air.
Puisque Yvetot m’oblige à dire ces vérités-là en public, eh bien ! je les dis.
Au surplus, c’est le secret de Polichinelle pour tous les militants et pour le gouvernement ! Il n’y a donc aucun inconvénient à le crier sur les toits.
Et puis, il est indispensable que la classe ouvrière ne se monte pas le coup à elle-même. Pour nous, à la Guerre sociale, nous voulons bien, quand on est en pleine bataille, soit en pleine grève des PTT, soit en pleine effervescence causée par l’affaire Ferrer, sonner le : « Il y a de la goutte à boire ! » ; nous sommes là pour cela ; mais notre rôle utile dans les moments d’accalmie et de détente relative, comme la trêve actuelle des confiseurs – des confiseurs électoraux – c’est d’attirer l’attention des militants sur l’insuffisance et la faiblesse de nos organisations, pour que les prochaines luttes ne soient pas pour nous des boucheries, c’est de dire à l’occasion leurs quatre vérités à nos meilleurs amis au risque de leur faire l’effet de pions.
Personne n’aime qu’on lui dise ses vérités, surtout les gouvernements : que ce soient les gouvernements monarchistes, républicains ou ouvriers.
Les ministres de la bourgeoisie font injurier les donneurs de conseils par leurs avocats généraux, les ministres de la CGT n’ayant point encore le droit de jeter en prison leurs contradicteurs, se bornent à les injurier eux-mêmes.
Napoléon n’aimait pas les idéologues.
Ministre de la CGT, Yvetot n’aime pas les intellectuels, « les professeurs », les pions. C’est humain.
Mais que cela lui plaise ou que cela ne lui plaise pas, ils continueront à donner leur opinion sur toutes les questions qui les intéressent, et tant qu’il y aura des intellectuels – ou des manuels ayant quelque goût de la liberté – ils se refuseront à incliner leur pensée ou leur échine, devant quelque dictature que ce soit, celle d’un despote couronné, celle d’une bourgeoisie bourrée de millions, ou même celle du prolétariat aux mains calleuses.
Jusqu’ici, tous les ans, au 1er janvier, je me bornais à faire des vœux pour que les dirigeants du parti socialiste se guérissent de leur crétinisme parlementaire.
Cette année, pour le nouvel an, je souhaite, en outre, à certains hauts dignitaires de la CGT de ne pas verser dans le crétinisme syndicaliste et « ouvriériste », une forme aussi dangereuse et non moins bouffonne du crétinisme.
On ne pourrait comprendre toute la portée de cette diatribe virulente, si on se bornait à l’examiner d’une manière abstraite ; il faut la rapprocher des événements de l’agitation ferreriste et on doit en examiner soigneusement les termes, parce qu’Hervé est un écrivain habile qui ne dit pas un mot qui dépasse ce qu’il veut faire entendre à ses lecteurs. La manifestation qui eut lieu le 17 octobre 1909 en l’honneur de Ferrer, explique le ton d’orgueil avec lequel parle notre Intellectuel.
L’Humanité avait participé à l’organisation de cette promenade populaire et pacifique ; elle avait eu peur de perdre quelque peu de son prestige en abandonnant à la Guerre sociale la direction unique d’une grande journée. Hervé a eu le bon goût de ne pas trop insister sur le rôle prépondérant qu’il a eu à cette époque ; il se contente de dire que son journal est « le seul capable, à l’heure actuelle, de faire entendre, avec quelque retentissement, le son de cloche révolutionnaire ». La promenade s’était faite suivant un plan arrêté d’accord avec le gouvernement ; le Petit Parisien du 18 octobre nous raconte comment la police encadrait les révolutionnaires pour empêcher tout incident fâcheux : « Le cortège a été coupé en tronçons. Entre chaque tronçon, qui comprend de mille à douze cents manifestants, marchent des cavaliers de la garde, des cuirassiers ou des dragons armés de la carabine et du sabre. Les gardes à pied s’avancent en flancs-gardes, le lebel sur l’épaule. De distance en distance, marchent en renfort des gardiens de la paix, rudes gaillards aux moustaches grises, des compagnies de réserve, dont un sabre-baïonnette bat le flanc gauche. » Une telle promenade n’avait pas été précisément très héroïque ; mais Hervé peut rejeter sur le compte de l’Humanité toute la partie humiliante de ce défilé mi-populaire, mi-policier ; il est conforme aux tendances naturelles de l’amour-propre qu’il ne retienne comme lui étant personnel que ce qui est propre à lui donner une attitude de triomphateur.
Ces événements ont présenté une particularité qui a été bien propre à donner aux jacobins une confiance illimitée dans leurs forces. Il est, en général, beaucoup plus facile de commencer une agitation que de l’arrêter ; mais celle-ci a été d’abord, en quelque sorte, canalisée et ensuite arrêtée quand le calme a été jugé nécessaire à la politique gouvernementale. Le 13 octobre il y avait eu de graves tumultes auprès de l’ambassade d’Espagne ; un agent avait été tué à côté du préfet de police ; l’Humanité avait affirmé que certains incidents fâcheux de cette soirée avaient été dus « aux “apaches policiers” dont le gouvernement dispose » ; c’est là une hypothèse absurde ; mais il est difficile qu’il y ait des troubles dans une ville comme Paris sans l’intervention de malfaiteurs. Le 17 toutes les précautions avaient été prises pour que les choses se passassent dans la plus grande tranquillité. Puis rapidement tout est redevenu calme ; le comité Nacquet n’a plus éprouvé un aussi grand besoin de protester au nom de la conscience universelle. Ainsi le peuple s’était ému, puis s’était discipliné et enfin était rentré chez lui suivant les ordres qui lui avaient été transmis par les jacobins !
Ceux-ci ont donc eu bien le droit de regarder l’agitation Ferrer comme ayant consacré l’acceptation de leur autorité par les organisations ouvrières qui avaient commis l’imprudence de suivre alors leur direction. C’est parce que Briand escomptait un pareil résultat qu’il a montré tant de condescendance envers les chefs de ce mouvement ; il convenait à sa politique que les Parisiens eussent le sentiment que les travailleurs syndiqués sont dans la main des jacobins ; il savait, par l’expérience de l’affaire Dreyfus, que les travailleurs eux-mêmes auraient quelque peine à retrouver les directions syndicalistes après avoir été enrégimentés par les politiciens.
Durant l’affaire Dreyfus il a suffi de deux ans d’agitation démocratique pour faire perdre les fruits de vingt ans de propagande socialiste. Le syndicalisme commençait à devenir redoutable, parce qu’il est de son essence de s’affranchir de la tutelle jacobine ; on a profité de l’aubaine que présentait l’affaire Ferrer pour porter un coup très grave au syndicalisme, en faisant marcher, encore une fois, les travailleurs au nom de la Justice et de la Vérité. Les syndicats ne sont pas faits pour se mettre à la remorque de la démocratie ; leur originalité consiste à passer de la manifestation plus ou moins insurrectionnelle à la lutte économique ; le rôle des Intellectuels politiciens serait réduit à rien si les principes syndicalistes devenaient prépondérants ; aussi les Intellectuels profitent-ils, avec empressement, de toute occasion favorable pour ramener les travailleurs dans la tradition jacobine.
{Pour avoir émis, longtemps avant les 13 et 17 octobre, l’opinion que l’agitation provoquée par Nacquet en faveur de Ferrer n’était pas une affaire syndicaliste – et aussi pour avoir trop bien prévu [40] – j’ai été fortement injurié par la Guerre sociale et par nombre de journaux italiens; mais je ne me repens point de ce que j’ai dit le 26 septembre à Pierre Gilbert. J’ai sur la conscience des illusions dreyfusardes qui m’ont fait écrire jusqu’en 1901 des choses que je regrette profondément en faveur de l’union du socialisme et de la démocratie; je n’ai pas à regretter ce que je dis aujourd’hui que je suis instruit par l’expérience. L’article d’Hervé suffirait, à lui seul, à m’éclairer sur les dangers d’une telle union, si j’avais encore quelque chose à apprendre sur cette question.}
En acceptant, pour quelques jours, la direction de démocrates, les syndicats ont rendu aux jacobins le sentiment de la force qui commençait à leur manquer. C’est pourquoi Hervé signifie maintenant à la CGT qu’elle ne peut rien sans l’Humanité et la Guerre sociale : « Le syndicalisme réduit à ses seules forces donne le spectacle de sa faiblesse et de son impuissance, et s’étale piteusement dans la rue les quatre fers en l’air. »
{Dans la Lotta proletaria du 16 novembre un collaborateur d’Hervé s’indignait de ce que je me permisse de regarder l’affaire Ferrer comme étant sans intérêt pour les ouvriers et que je m’attribuasse ainsi une autorité pour avoir écrit quelque chose sur le syndicalisme [41].} Hervé ne prend pas de ménagements pour dire leur fait aux vétérans de l’organisation ouvrière ; il leur conseille « de ne pas verser dans le crétinisme syndicaliste et “ouvriériste” ». Il a le sentiment bien clair de l’énorme distance qui existe, suivant la doctrine jacobine, entre les travailleurs et les Intellectuels.
[1]Cf. lettre à Hubert Lagardelle du 31 octobre 1908, in Educazione fascista, XI, 1933, p. 968, où Sorel annonce qu’il se retirait « immédiatement » de la revue.
[2]Cf. lettre à H. Lagardelle du 2 novembre 1908 (datation corrigée), citée in Marco Gervasoni, Georges Sorel, una biografia intellettuale. Socialismo e liberalismo nella Francia della Belle Époque, Milan, Unicopli, 1997, p. 342.
[3]Cf. lettre à P. Delesalle du 2 novembre 1908, in G. Sorel, Lettres à Paul Delesalle, Paris, Grasset, 1947, p. 108-109. Un an plus tard, Sorel confiera à Jean Bourdeau que son départ du Mouvement socialiste était surtout dû à ses doutes sur les liens du groupe des « socialistes syndicalistes » avec Briand ; cf. lettre du 10 octobre 1909, in Mil neuf cent, 14, 1996, p. 182. Sur les liens de Griffuelhes avec ce groupe, cf. Bruce Vandervort, Victor Griffuelhes and French syndicalism, 1895-1922, Baton Rouge-Londres, Louisiana State University Press, 1996, p. 86-87, 168-169.
[4]Sorel déclina les offres de s’expliquer publiquement, comme celle de Giuseppe Prezzolini, à qui il confia que la décision lui avait été « fort pénible » : « J’ai senti que ma vie était finie et, déjà souffrant, j’ai éprouvé une secousse dont je ne me remettrai pas » (lettre du 6 décembre 1908, in Diana Rüesch, Bruno Somalvico (eds.), La Voce e l’Europa, [Rome], Presidenza del consiglio dei ministri, [1995], p. 588). À Édouard Berth, il avait précisé peu avant : « Je me retire, découragé mais sans bruit, de telle sorte que je pourrai dire que ma retraite a été un acte de pure probité intellectuelle et non le résultat d’un différend » (lettre du 1er décembre 1908, in Cahiers Georges Sorel, 3, 1985, p. 147).
[5]Lettre à H. Lagardelle du 21 juillet 1909, loc. cit., p. 971.
[6]Lettre à Émile Pouget du 29 décembre 1908 (datation et transcription corrigées), in Gian Biagio Furiozzi, « Quattro lettere inedite di Sorel a Pouget e Dolléans », il Pensiero politico, X, 3, 1977, p. 421-422. Sorel avait promis en juillet sa collaboration à Pouget, qui lui demandait de donner deux articles par mois pour son projet de quotidien, cf. lettre à H. Lagardelle du 24 juillet 1908, loc. cit., p. 963. Dans un document envoyé en 1910 à A. Lanzillo, Sorel attribua l’échec du journal, qui avait dû arrêter sa publication après deux mois d’existence, à un « complot » tendu à Pouget par la franc-maçonnerie et mit en cause le rôle joué par F. Ferrer, cf. « Note sur le journal “La Révolution” », in Francesco Germinario (ed.), « Cher camarade »… Georges Sorel ad Agostino Lanzillo 1919-1921, Annali della Fondazione Luigi Micheletti, 7, 1993-1994, p. 280-281.
[7]G. Sorel, « Préface », in Victor Griffuelhes, Louis Niel, Les objectifs de nos luttes de classes, Paris, La Publication sociale, [1909], p. 5-9. Ce texte écrit en août 1909 parut d’abord en italien, sous le titre « La letteratura sindacalista », dans il Divenire sociale, V, 17, 1er septembre 1909, p. 219-220. – L’article « La leçon du malheur », qui était paru en décembre 1908 dans l’Almanach illustré de la Révolution pour 1909 édité par Paul Delesalle, avait déjà été écrit en septembre. Comme Sorel l’indiqua à Berth, il avait « dû prendre beaucoup de précautions pour ne rien dire qui puisse être nuisible » aux dirigeants de la CGT encore emprisonnés (cf. lettre du 18 décembre 1908, in Cahiers Georges Sorel, 3, 1985, p. 150).
[8]Cf. lettre à Benedetto Croce du 29 juin 1909, in la Critica, XXVI, 1928, p. 195-196. Le dernier article de Sorel écrit pour il Divenire sociale remontait à mai 1908, mais la revue avait publié en plusieurs livraisons au début 1909 une traduction de La décomposition du marxisme.
[9]Dans ces articles, où, comme souvent dans ses écrits destinés à l’Italie, il s’exprime plus librement qu’il ne le fait en France, Sorel ne traitera que de la situation française. Bien qu’il s’efforçait de suivre l’évolution du syndicalisme en Italie, ne serait-ce que par sa correspondance avec quelques-unes de ses principales figures, E. Leone, Arturo Labriola ou Agostino Lanzillo, Sorel n’intervint pas directement dans les débats qui agitaient alors des revues comme il Divenire sociale.
[10]Cf. G. Sorel, « La disfatta dei “mufles” », il Divenire sociale, V, 14, 16 juillet 1909, p. 177-181 ; repris in Id., Decadenza parlamentare, Marco Gervasoni (ed.), Milan, M&B Publishing, 1998, p. 128-136. Des extraits de l’article sont parus, sous le titre « Socialistes parlementaires », dans l’Action française du 22 août 1909.
[11]G. Sorel, « Il ministero Briand », il Divenire sociale, V, 15-16, 1er-16 août 1909, p. 201 ; repris in Id., Decadenza parlamentare, op. cit., p. 141.
[12]Cf. G. Sorel, « I dolori dell’ora presente », il Divenire sociale, V, 18-19, 16 septembre-1er octobre 1909, p. 236-240 ; repris in Id., Decadenza parlamentare, op. cit., p. 142-150. À propos de son départ du Mouvement socialiste, Sorel expliquait qu’il s’était « condamné à ne plus exercer aucune œuvre de propagande active en France » en raison de l’inutilité d’une « lutte disproportionnée » contre les illusions populaires qu’il fallait vaincre (p. 237).
[13]Ibid., p. 239.
[14]Déjà lors de son retrait du Mouvement socialiste, il avait écrit à Delesalle : « Tout ce qui arrive ne se serait pas produit si la CGT était demeurée ce qu’elle devait être et ce qu’elle a été longtemps, un office de propagande révolutionnaire ; mais le jour où des Intellectuels ont pu avoir la moindre influence, ils ont introduit la mauvaise graine étatique et en ont fait un gouvernement de parti. » (Lettre du 2 novembre 1908, loc. cit., p. 109-110.)
[15]Lettre à A. Lanzillo du 1er janvier 1910, in F. Germinario (ed.), « Cher camarade »…, op. cit., p. 98.
[16]La lettre accompagnant l’envoi de l’article n’a apparemment pas été conservée. Mais, dès le 16 janvier, Sorel demandait à Lanzillo qu’on lui retourne le manuscrit de son article, cf. ibid., p. 102.
[17]Giorgio Sorel, « Gl’intellettuali contro gli operai », il Divenire sociale, V, 22-24, 31 décembre 1909, p. 295-297 ; repris in Id., Decadenza parlamentare, op. cit., p. 151-157. Sorel accusera réception du numéro dans une lettre à Lanzillo du 1er février 1910, loc. cit., p. 105.
[18]Charles Rappoport, pour les guesdistes, salua l’article d’Hervé comme un « témoignage aussi précieux qu’inattendu » de retour au bons sens, cf. Ch. R., « Capitulation devant le bons sens », le Socialisme, IV, 109, 1er janvier 1910, p. 2-3. De son côté, Louis Niel, l’éphémère successeur de Griffuelhes à la tête de la CGT, porte-parole du courant syndicaliste réformiste, remercia Hervé d’avoir confirmé sa propre analyse de la faiblesse de la CGT, obligeant ce dernier à se démarquer de lui, cf. Gustave Hervé, « Il n’y a pas de quoi, Niel… », la Guerre sociale, IV, 6, 19 janvier 1910, p. 2.
[19]Lors d’un nouvel épisode de ce débat, Yvetot, dans un article à nouveau intitulé « Chacun chez soi » publié au début de 1912 dans la Bataille syndicaliste, se référa à l’approbation rencontrée par son premier texte paru sous ce titre dans la Révolution parmi certains « intellectuels qui s’intéressent à la classe ouvrière » ; cf. Georges Yvetot, Les intellectuels et la CGT, Paris, La Publication sociale, [1912], p. 2. Faut-il y voir une allusion à l’article de Sorel ?
[20]Cf. sa lettre à H. Lagardelle du 2 novembre 1908 où il écrivait : « Si Griffuelhes n’avait pas (sous l’influence des cajoleries de vos faux amis) transformé la CGT de comité de propagande syndicaliste en un comité révolutionnaire central, c’est-à-dire fait du blanquisme, en se prenant pour le Napoléon du prolétariat, nous n’en serions pas réduits à voir une branche de salut dans un autre blanquisme, celui d’Hervé. » (Loc. cit., p. 969.)
[21]De son côté, Hervé ne manquait pas une occasion de brocarder « les Sorel et autres rats de bibliothèque dont la marotte est de pondre des livres savants que personne ne lit et que personne ne comprend » (Gustave Hervé, « Pour notre 1er trombone », la Guerre sociale, III, 51, 1er décembre 1909).
[22]Lettre à A. Lanzillo du 23 avril 1910, loc. cit., p. 127-128. Sur le débat en Italie, cf. Willy Gianinazzi, Intellettuali in bilico. “Pagine libere” e i sindacalisti rivoluzionari prima del fascismo, Milan, Unicopli, 1996, p. 225-235.
[23]Sur ce mouvement, cf. Vincent Robert, « “La protestation universelle” lors de l’exécution de Ferrer : les manifestations d’octobre 1909 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, XXXVI, 2, avril-juin 1989, p. 245-265.
[24]Cf. Pierre Gilbert, « Une conversation avec M. Georges Sorel : Ferrer et Briand », l’Action française, 29 septembre 1909.
[25]Cf. les articles d’Harmel, « Un qui se déshonore », et de Victor Méric, « Au parterre » dans la Guerre sociale, III, 44, 13 octobre 1909. L’article d’Harmel sera reproduit en Italie par plusieurs journaux dont la Lotta proletaria de Sampierdarena, cf. Luigi Fabbri, « Fine di polemica », il Pensiero, VIII, 23, 1er décembre 1910, p. 337. « Même en Italie j’ai été dénoncé comme un traître », écrira Sorel à Berth le 1er avril 1910, in Cahiers Georges Sorel, 4, 1986, p. 106. Parmi les prises de position en faveur de Sorel, cf. Paolo Orano, « Ferrer, sciopero e Sorel », Pagine libere, III, 22, 15 novembre 1909, p. 577-580.
[26]Cf. « Breve dichiarazione per alcuni giornali di pessimo umore », il Divenire sociale, V, 20-21, 16 décembre 1909, p. 275. Sans entrer dans le fond du débat, Sorel se contentait de réaffirmer son droit à exprimer, comme Proudhon, « ses jugements sur les choses qui arrivent ».
[27]Cf. Luigi Fabbri, « Quel caro signor Sorel !… », la Demolizione, III, 3, 1er février 1910, p. 12-13 ; « A un sindacalista per sport », ibid., III, 7, 1er avril 1910, p. 6-9.
[28]Cf. lettres à A. Lanzillo des 17 et 20 février, et des 1er et 11 avril 1910, loc. cit., p. 106-107, 111, 120-122, 124. Sur la polémique Fabbri-Lanzillo, cf. Gian Biagio Furiozzi, « Sorel e gli anarchici italiani », Ricerche storiche, V, 1, 1975, p. 185-186 ; Id., « Polemiche tra sindacalisti rivoluzionari e anarchici italiani nell’età giolittiana », ibid., XI, 2-3, 1981, p. 506 ; Roberto Bernardi, Agostino Lanzillo tra sindacalismo, fascismo e liberismo (1907-1952), Milan, CUESP, 2001, p. 31-33.
[29]Le texte sera repris ensuite, sous le titre « Mes raisons du syndicalisme », dans les Matériaux d’une théorie du prolétariat.
[30]Lettre à A. Lanzillo du 1er [?] avril 1910, loc. cit., p. 122.
[31]Ibid., p. 120. Il est remarquable que Sorel envisagea alors d’écrire pour le Divenire sociale un article sur Jules Guesde, afin de « faire connaître aux Italiens cet homme qui est un grand ennemi de nos idées, mais qui est un très grand socialiste », lettre à A. Lanzillo du 9 mai 1910, ibid., p. 133.
[32]Cf. G. Sorel, « Sindacalismo traditore », il Resto del Carlino, 24 mai 1910 ; repris in Id., « Da Proudhon a Lenin » e « L’Europa sotto la tormenta », Rome, Ed. di storia e letteratura, 1973, p. 3-8 ; voir aussi la lettre à Mario Missiroli du 6 mai 1910 (ibid., p. 437-438) où il mettait en cause la responsabilité des amis d’Hervé dans « l’énorme bouffonnerie qui a rendu la Confédération du travail si ridicule en ce jour ».
[33]Cette décision fut symboliquement annoncée dans l’avertissement anonyme que Sorel rédigea pour l’édition en brochure des Confessioni ; cf. lettre à Lanzillo du 8 juillet 1910, loc. cit., p. 147. Sorel présenta alors la reprise de sa collaboration au Divenire sociale comme une marque de solidarité « pour ne pas avoir l’air d’abandonner une entreprise qui traversait des moments difficiles » (lettre à B. Croce du 28 juin 1910, loc. cit., p. 341).
[34]Cf. G. Sorel, « Préface pour une œuvre nouvelle » (1910), in Michel Charzat (ed.), Georges Sorel, Paris, L’Herne, 1986, p. 307.
[35]Lettre à É. Berth du 18 mars 1911 (datation corrigée), in Cahiers Georges Sorel, 5, 1987, p. 155.
[36]Manuscrit autographe de 9 feuillets, comprenant une coupure de l’article de G. Hervé paru dans la Guerre sociale du 29 décembre 1909, archives privées Pierre Andreu. Ce manuscrit avait été remis à P. Andreu par Madame Berth en 1948, en même temps que d’autres manuscrits de Sorel restés en possession d’Édouard Berth ; (voir à ce sujet la présentation de P. Andreu à Georges Sorel, « Préface pour une œuvre nouvelle », in Michel Charzat (dir.), Georges Sorel, Paris, Éd. de l’Herne, 1986, p. 293). Nous remercions Madame Guillemette Andreu qui a bien voulu nous communiquer ce document. – Les passages biffés par Sorel sur le manuscrit, vraisemblablement lors d’un projet abandonné de republication en volume, ont été maintenus afin de donner le texte dans sa version complète, tel qu’il avait paru en italien. Ces passages sont cependant signalés par des accolades { }. Le texte publié dans il Divenire sociale s’ouvrait par la phrase suivante qui ne figure pas dans le manuscrit français : « Je crois bien faire en attirant l’attention des lecteurs du Divenire sociale sur l’article qu’Hervé a inséré dans la Guerre sociale du 29 décembre contre Yvetot, afin de montrer ce que les “révolutionnaires” jacobins, blanquistes et autres pensent des hommes du syndicalisme. » Il se poursuivait ensuite ainsi : « Ce journal hebdomadaire […] représente assez bien… » Les fautes d’orthographe ont été corrigées et la typographie uniformisée suivant le code en vigueur aujourd’hui à l’exception du mot « intellectuel » que Sorel écrit systématiquement avec une majuscule.
[37][Georges Yvetot, « Chacun chez soi », la Révolution, 3, 3 février 1909. Souligné par G. Sorel (NdE).]
[38]Le journal d’Hervé qui s’est fait longtemps une spécialité de l’antipatriotisme, délaisse un peu cette question pour combattre le clergé à propos des manuels condamnés par les évêques.
[39]On appelle, dans le langage familier, « pion » le surveillant des salles d’études des collèges.
[40]En me reportant à mon interview du 26 septembre (qui a paru le 29) je vois que j’avais dit à Pierre Gilbert : « Si jamais le mouvement devenait dangereux, soyez persuadé que le gouvernement l’arrêterait d’un signe. » J’avais même parlé à ce journaliste de l’intervention possible de la diplomatie pour provoquer l’arrêt de l’agitation.
[41]« Secondo il signor Sorel, che si crede in diritto di dar lezioni agli operai sindacati, solo perchè ha scritto qualche cosa sul sindacalismo, costoro avrebbero torto di mischiarsi in quell’affare. » [Texte original de la citation tirée de l’article d’Harmel paru dans la Guerre sociale du 13 octobre 1909 : « D’après M. Sorel qui se croit en droit de faire la leçon aux syndiqués, parce qu’il a écrit sur le syndicalisme, ceux-ci ont tort de se mêler de cette affaire. » (NdE.)]

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