dimanche 9 février 2025

Analyse du film The Matrix (1999) d’un point de vue Syndicaliste Révolutionnaire

 


    Le film The Matrix peut également être interprété à travers une perspective syndicaliste révolutionnaire, qui met en avant les luttes des travailleurs contre l'exploitation capitaliste et la domination des systèmes oppressifs. En adoptant cette grille de lecture, le film devient une métaphore puissante de la résistance collective contre un régime exploiteur, symbolisé par les machines.|

 


I. La Matrice : Une Métaphore du Capitalisme

 

1. L'Exploitation des Humains

    Dans The Matrix , les humains sont exploités par les machines comme source d'énergie. Ce système ressemble fortement au capitalisme, où les travailleurs sont réduits à des ressources interchangeables pour alimenter une machine économique sans visage. Les machines incarnent ainsi la classe dominante (la bourgeoisie), tandis que les humains représentent la classe ouvrière (le prolétariat).|

    Cette exploitation est invisible aux yeux des victimes, car elles vivent dans une illusion confortable créée par les machines – la matrice elle-même. De même, sous le capitalisme, les travailleurs sont souvent maintenus dans un état d'ignorance quant à leur véritable condition, convaincus que leurs efforts servent leur propre bien-être alors qu'ils enrichissent principalement les détenteurs du capital.|

2. La Production et la Plus-Value

    Les machines tirent leur énergie directement des corps humains, ce qui évoque la notion marxiste de plus-value . Dans le capitalisme, les travailleurs produisent plus de valeur qu'ils ne reçoivent en salaire, et cette différence est capturée par les capitalistes. Dans la matrice, les humains génèrent une énergie qui dépasse largement leurs besoins immédiats, alimentant ainsi les machines. |

 


II. La Résistance Ouvrière : La Résistance Humaine

 

1. La Résistance Comme Mouvement Révolutionnaire

    La résistance humaine basée dans Zion symbolise le mouvement ouvrier révolutionnaire. Ce groupe de rebelles lutte pour libérer les humains de l'emprise des machines, tout comme les syndicalistes révolutionnaires cherchent à renverser le capitalisme pour instaurer un système plus juste et égalitaire.|

    Les membres de la résistance incarnent les conscients* , ceux qui ont pris conscience de l'exploitation et choisissent de se battre contre elle. Morpheus, en tant que leader charismatique, joue un rôle similaire à celui d'un organisateur syndicaliste, inspirant et mobilisant ses troupes pour la cause commune.|

2. L'Importance de la Conscience

    Le choix offert à Neo entre la pilule rouge et la pilule bleue représente le moment crucial où un individu prend conscience de son exploitation. Cela correspond à l'idée selon laquelle la révolution commence par une prise de conscience collective. Sans compréhension claire de la nature oppressive du système, aucune transformation significative n'est possible. |

 


III. Le Rôle de l'Élu : Un Symbole de Meneur Révolutionnaire

 

1. Neo Comme Figure Révolutionnaire

    Neo, présenté comme "l'Élu", peut être vu comme une figure emblématique du meneur révolutionnaire. Il incarne le potentiel de chaque individu à transcender sa condition actuelle et à devenir un agent de changement**. Bien qu'il soit initialement sceptique face à sa mission, il finit par accepter son rôle, montrant que la révolution nécessite non seulement des meneurs courageux mais aussi une transformation personnelle profonde.|

    Ce parcours rappelle celui de figures historiques telles que Karl Marx ou Che Guevara, qui ont eux aussi commencé par remettre en question leur propre position avant de s'engager pleinement dans la lutte contre l'oppression.|

2. La Coopération et la Solidarité

    Bien que Neo soit central dans l'histoire, il ne réussit pas seul. Sa victoire finale repose sur la coopération avec d'autres membres de la résistance, notamment Trinity et Morpheus. Cela souligne l'importance de la solidarité ouvrière et de l'action collective dans toute lutte révolutionnaire. Seul, aucun individu ne peut renverser un système aussi vaste et complexe que celui des machines. |

 


IV. Les Limites et les Défis de la Résistance

 

1. La Trahison et la Division

    Le personnage de Cypher, qui trahit la résistance pour retourner dans la matrice, symbolise les dangers de la division interne au sein des mouvements révolutionnaires. Les tentations du confort et de la sécurité peuvent affaiblir la lutte collective, surtout lorsque certains membres préfèrent sacrifier leurs idéaux pour des bénéfices immédiats.|

    Cela reflète les défis rencontrés par les mouvements syndicaux dans leur combat contre le capitalisme : la corruption, les compromis avec le pouvoir en place, et la perte de motivation peuvent tous menacer l'efficacité de la résistance.|

2. La Répression Systémique

    Les machines, en tant que forces répressives, utilisent divers moyens pour maintenir leur contrôle, y compris la surveillance, la manipulation et la violence directe. Ces méthodes rappellent celles employées par les États capitalistes pour réprimer les mouvements ouvriers et empêcher toute forme de rébellion. La résistance humaine doit donc constamment adapter ses stratégies pour contourner ces obstacles. |

 


V. Vers une Nouvelle Société

 

1. La Destruction du Système Oppresseur

    Le but ultime de la résistance dans The Matrix est de détruire les machines et de libérer tous les humains de la matrice. Cette ambition évoque l'idéal révolutionnaire de construire une société sans exploitation ni domination. La destruction du système existant est vue comme nécessaire pour permettre l'émergence d'un nouvel ordre social fondé sur l'égalité et la justice.|

2. L'Incertain Avenir

    Cependant, le film laisse planer une certaine ambiguïté quant à l'avenir après la chute des machines. Cette incertitude reflète les défis concrets auxquels font face les mouvements révolutionnaires : comment reconstruire une société après avoir abattu un système oppresseur ? Quelles garanties avons-nous que le nouveau système ne reproduira pas les mêmes inégalités ? |

 


VI. Conclusion

    The Matrix peut être lu comme une allégorie puissante des luttes syndicalistes révolutionnaires contre le capitalisme. En explorant les thèmes de l'exploitation, de la résistance et de la transformation sociale, le film offre une critique acérée des systèmes oppressifs tout en soulignant l'importance de la solidarité et de la prise de conscience collective. À travers le parcours de Neo et de ses compagnons, le film inspire à agir pour changer un monde injuste, tout en reconnaissant les difficultés inhérentes à cette quête. En ce sens, The Matrix devient une œuvre engagée pour tous ceux qui croient en la possibilité de transformer la réalité vers un avenir plus équitable et humain. |

 

* : Travailleurs conscients de la lutte à mener... [Résolution d'Amiens] |

** : L'émancipation des travailleurs doit être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes [1ère Internationale]|

TRAVAILLEUR, RÉVEILLE-TOI ! (illustrations)




 

samedi 28 décembre 2024

CERVEAU BOUFFÉ PAR LE VOCABULAIRE PATRONAL (illustration ainsi qu'un article extrait de Miroir Social)

 


Ordonnances : disparition du mot « sous-traitance »

et autres éléments de novlangue



    Institué en 1910, le Code du travail marque la naissance du droit social moderne en imposant que les rapports patrons-salariés ne soient pas exclusivement régis par la loi du marché. Son objet est de protéger les salariés (en position de faiblesse dans ce rapport) d’une part en leur garantissant des droits et d’autre part en limitant le pouvoir de l’employeur.

    Ce préambule n’est pas inutile car les ordonnances de septembre 2017 ne s’accommodent visiblement guère d’un Code du travail au service des salariés. Pour la première fois s’agissant d’un texte de loi, elles introduisent la novlangue du MEDEF et relèguent ainsi les députés au rang de relais de l’organisation patronale. Rappelons que le concept de novlangue renvoie au roman 1984 de George Orwell et désigne un langage épuré, dont l’emploi hégémonique est destiné à dénaturer la réalité.

    La « sous-traitance » y est remplacée par « partenariat ». La première modification de vocabulaire que nous évoquerons est passée pratiquement inaperçue. Elle concerne le point 8 des articles R2312-8 et R2312-9 relatifs à la BDES : la « sous-traitance » y est remplacée par « partenariat », terme masquant pudiquement le rapport de force en faveur des donneurs d’ordre. Ce changement n’est pas anecdotique. Il s’opère au moment où le patronat dispose d’un moyen sans précédent pour remettre en cause le contrat de travail des salariés, à travers les accords de « fonctionnement de l’entreprise », censés répondre « aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou préserver ou développer l’emploi » (nouvel article L2254-2 du Code du travail).

    Ces accords ont des conséquences graves : ils permettent à l’employeur de contourner ses obligations à la fois en matière de contrat de travail et de licenciement économique collectif. À la différence des accords de « préservation et de développement de l’emploi » de la loi sur le travail de 2016, ils peuvent avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié (sous réserve de respecter le SMIC et les salaires minima conventionnels).

    Il s’agit donc d’une véritable aubaine pour les employeurs mais encore faut-il qu’ils préparent le terrain pour inciter les syndicats à signer un accord défavorable aux salariés. Le chantage à l’emploi fonctionnera d’autant mieux s’ils parviennent à convaincre qu’une communauté d’intérêt efface les barrières entre donneurs d’ordre et sous-traitants et qu’il n’y a aucune raison pour que les salariés des premiers soient mieux lotis que ceux des seconds. Dans ce contexte, le terme « partenariat » n’est pas anodin : il laisse supposer un continuum économique au nom duquel les acquis sociaux issus du passé doivent faire place à un alignement sur les pratiques sociales les plus régressives.

    Sur trois autres sujets, les ordonnances se mettent par ailleurs au service du vocabulaire patronal.

  • 1/ Le mot pénibilité devient tabou et disparaît du Code du travail pour être remplacé par la périphrase « facteurs de risques professionnels mentionnés à l'article L4161-1 ». Cette évolution n’est que la face visible de l’iceberg, les ordonnances excluant désormais les quatre facteurs de pénibilité les plus courants de l’obligation qu’a l’employeur de déclarer et de suivre l'exposition des salariés. Alors que la prévention de la pénibilité constituait une contrepartie de l’allongement de l’âge de départ en retraite de 2014, il n’en est dorénavant plus question pour ces quatre facteurs : la pénibilité n’est traitée qu’après coup, via une visite médicale de fin de carrière, ce qui a été qualifié par certains syndicats de « droit à continuer d'abîmer la santé des travailleurs ».


  • 2/ Il n’est désormais plus précisé que les représentants du personnel sont chargés de « veiller à l'observation des prescriptions légales » ; il serait évidemment inconvenant de souligner que le patronat se soustrait trop souvent à ses obligations légales...  Mais que l’on se rassure, cette mission de veille reste indissociable du mandat des élus, notamment en matière de santé professionnelle. La loi est en effet structurée autour d’une affirmation première : l’employeur est responsable de la santé physique et mentale de ses salariés. À ce titre, il reste soumis à des obligations rigoureuses (évaluation des risques et « document unique » notamment), qui sont d’autant moins contournables qu’elles émanent de la directive européenne du 12 juin 1989 sur les principes fondamentaux de la protection des travailleurs.



  • 3/ Les experts en santé, sécurité et conditions de travail sont dorénavant labellisé « experts en qualité du travail et de l'emploi », évolution en lien avec le point précédent. En effet, les employeurs cherchent à promouvoir le concept de qualité de vie au travail (QVT) pour mieux faire oublier celui de « santé au travail » et les responsabilités légales qui s’y rattachent. La QVT a suscité des espoirs et fait couler beaucoup d’encre. Comment pourrait-il en être autrement à une époque où les risques psychosociaux sévissent massivement ? Il n’empêche qu’elle s’apparente le plus souvent à un leurre : les représentants du personnel y consacrent du temps, pour finalement se rendre compte que l’obligation de négocier (prévue à l’article L2242-1 du Code du travail) n’est assortie pour l’employeur d’aucune autre obligation réelle.


    En conclusion, il faut replacer l’ensemble des constats précédents dans un cadre plus général. Depuis de nombreuses années, le patronat utilise le vocabulaire comme une arme idéologique de premier plan. Souvenons-nous qu’avant 1998, le syndicat des employeurs s’appelait Conseil national du patronat français (CNPF). Excellente idée que de l’avoir rebaptisé Mouvement des entreprises de France (MEDEF) : en apparence, les patrons n’existent plus ! Ainsi, lorsque que le gouvernement leur octroie une manne de 40 milliards par an, via le CICE, il peut sans encombre affirmer que ce cadeau est destiné aux entreprises et pas au patronat. Autre belle réussite de la novlangue imposée par le MEDEF : dans tous les médias, l’expression « partenaires sociaux » remplace l’expression « acteurs sociaux », ce qui ringardise par la même occasion le concept de lutte des classes. Heureusement, de nombreux syndicalistes continuent de considérer que le terme « partenaires » est réservé aux domaines de la sexualité, du jeu ou des affaires mais qu’il est inapproprié pour qualifier leur relation avec un employeur.


Source : Miroir Social, 5 mars 2018