De la fabrique des libres-penseurs à l'administration des dévouements :
Force Ouvrière et la mise en cursus de la formation syndicale (1948-1971)
Par Paula Cristofalo et Karel Yon
Notre article se propose de répondre à cette question en analysant la période de vingt ans correspondant à la naissance et à l’institutionnalisation de la CGT-FO. Il s’agira de « déplier » la notion de « syndicalisation de la formation », de révéler les conditions d’un processus que symbolise à FO la substitution d’une institution – le Centre de formation des militants syndicalistes (CFMS) – à une autre – le Centre d’éducation ouvrière (CEO), pour comprendre ce qu’elle recouvre pratiquement. Se focaliser sur une séquence historique relativement brève permet de souligner que le rôle des acteurs est aussi décisif que les incitations des pouvoirs publics dans les formes prises par la formation syndicale. Pendant cette période, la formation passe des mains de militants détenteurs d’un certain capital intellectuel à des syndicalistes soucieux de ne montrer aucune prétention intellectuelle. Mettre l’accent sur le lien entre changements de forme et de fond vise aussi à esquisser une sociologie des « formes élémentaires » de la pensée syndicale [5].
La CGT-FO dispose d’un Centre de documentation,
qui regroupe la bibliothèque, la documentation et des archives, mais
moins vastes que d’autres organisations. Nous avons donc dépouillé
plusieurs publications – l’hebdomadaire Force Ouvrière, le bulletin Force Ouvrière informations (FOI) destiné aux secrétaires de syndicat, FO Magazine et les Cahiers Fernand Pelloutier (CFP)
édités par le CEO –, les circulaires aux unions et fédérations, ainsi
que les rapports et comptes rendus des débats édités à chaque congrès
confédéral [6].
Nous nous sommes également appuyés sur les archives du ministère du
Travail ainsi que sur des entretiens avec des acteurs de cette histoire [7].
Nous évoquerons d’abord la relance avortée de l’éducation ouvrière : on assiste à l’échec relativement rapide d’un dispositif éducatif d’ordre coopératif. Puis nous mettrons en évidence différents éléments qui nourrissent cependant, au cours des années 1950, une injonction accrue à la formation : l’exacerbation de la concurrence intersyndicale et l’appropriation par les syndicats libres du thème de la productivité des entreprises conduisent à accorder une importance nouvelle à la transmission des « bonnes » idées syndicales. Le processus de syndicalisation de la formation débouche ainsi sur un dispositif confédéral d’administration du sens syndical. Au sens où Saint-Simon opposait « l’administration des choses » au « gouvernement des hommes », la notion d’administration permet enfin d’insister sur le passage d’une logique de confrontation des idées syndicales à une autre dominée par le souci de leur gestion. Elle correspond à la mise en place d’un corps de « fonctionnaires syndicaux » chargés d’organiser et de contrôler la diffusion d’un corpus prédéfini de savoirs syndicaux, par opposition à la configuration antérieure où l’éducation relevait de l’initiative autonome des militants et des organisations confédérées.
I
La relance avortée de l’éducation ouvrière
Dès sa fondation, la CGT-FO fait une place aux activités éducatives : le Congrès de 1948 entérine la création d’un Centre d’éducation ouvrière, qui revendique l’héritage du Centre confédéral d’éducation ouvrière (CCEO) de la CGT. Cette continuité s’incarne dans la figure de celui qui en prend la direction : Georges Vidalenc, 65 ans au moment de la scission, a en effet été un des principaux responsables de l’éducation ouvrière au sein de la CGT [8]. La notion d’éducation ouvrière renvoie alors à une gamme d’activités éducatives extrêmement diverses.
Décade d’étude des militants de la métallurgie animée par Toussaint Ottavy et Édouard Jean, salle Eugène Varlin de la CGT-FO (Paris), 1955 |
Une offre culturelle hétérogène
Cette diversité est visible dès les premières années d’existence de la centrale. Dans la continuité des cours du CCEO, les programmes du CEO de la CGT-FO recouvrent trois types d’enseignement : général, professionnel et syndical, assurés sous la forme de cours du soir, dans les locaux confédéraux de l’avenue du Maine à Paris, et de cours par correspondance. Tout au long des années 1950 sont dispensés des cours de français, d’arithmétique, de langues (allemand, anglais, espagnol, espéranto et français pour les étrangers), d’histoire, de droit et d’économie ou encore de sténographie. À partir de mars 1950 est assuré un « cours de formation et d’action syndicales » d’une douzaine de leçons : chaque semaine, entre 20 et 22 heures, les élèves s’initient en alternance à la recherche documentaire et à l’art oratoire [9].
L’éducation ouvrière est cependant loin de se limiter aux cours du CEO. Parallèlement et sous son égide sont développées des sessions d’études qui prennent des formes variées. Certains week-ends thématiques s’apparentent plutôt à des séminaires de réflexion et d’élaboration stratégique, par exemple en décembre 1949 sur « les problèmes de la grève ». Des « décades » ou « quinzaines » d’études rassemblent les militants d’une même région ou fédération professionnelle, et des séjours internationaux les rapprochent de leurs homologues étrangers. Le CEO édite des brochures, dont certaines reprises de la CGT. Il abrite le fichier confédéral de documentation, embryon de service juridique issu de la CGT, et une librairie, « la documentation économique et syndicale », qui « s’est assigné comme tâche d’approvisionner les bibliothèques des UD, celles des syndicats et des Comités d’entreprise » [10]. Il publie enfin, à partir du printemps 1949, une revue, les Cahiers Fernand Pelloutier.
Jusqu’en 1959, la presse syndicale est présentée, dans les rapports de congrès, sous la rubrique des activités éducatives. Le CEO organise également des séances de cinéma [11]. Vingt et un projecteurs fonctionnent dès l’été 1951, avec des bobines fournies notamment par la section du cinéma des services d’information américains [12]. Le CEO assure également des « sorties champêtres et des visites de musées, d’usines, d’écoles, des soirées au théâtre » [13]. Une visite de l’antenne parisienne du Bureau international du travail est ainsi proposée le 13 décembre 1950, avec une « causerie de Madame Jouhaux » [14].
Le CEO partage en outre sa mission éducative
avec les jeunesses syndicalistes, créées en novembre 1953 pour permettre
aux jeunes de « se faire mieux entendre et comprendre et d’acquérir
l’éducation ouvrière dont tout militant a besoin » [15].
Une vingtaine d’associations départementales existent à l’époque.
L’agrément de la Fédération des jeunesses FO par le ministère de
l’Éducation nationale lui permet d’obtenir des financements pour ses
activités éducatives [16]. La centrale était par ailleurs déjà membre du Centre Laïque des Auberges de la Jeunesse et du Plein Air [17].
Les responsables du CEO siègent enfin dans les instances
internationales en charge de l’éducation, qu’il s’agisse de l’UNESCO ou
de la Fédération internationale des associations d’éducation ouvrière.
Au début des années 1950, les activités d’éducation ouvrière s’inscrivent ainsi dans un continuum qui relie éducation, loisirs et culture. Rose Étienne, qui supervise les activités d’éducation ouvrière pour le bureau confédéral, s’occupe également, à partir de 1950, des activités sportives et du tourisme social. La frontière est floue entre éducations ouvrière et populaire. Parce qu’elles sont toutes deux pensées dans l’opposition au temps subordonné du travail salarié, elles semblent d’abord désigner les différentes manières d’occuper utilement son temps libre.
Une philosophie de l’émancipation
À travers le foisonnement des activités considérées comme relevant légitimement de l’éducation ouvrière, à travers l’accent mis sur le temps libéré comme dénominateur commun de ces pratiques, une certaine philosophie de l’éducation se dessine. Son principal objectif est de permettre à chacun de se découvrir et se gouverner soi-même. Elle promeut pour ce faire la curiosité intellectuelle, la réflexivité et l’union de la théorie et de la pratique. Elle insiste sur le lien étroit entre discussion collective et étude personnelle, surtout grâce à la lecture. On en retrouve les principes dans la charte du CEO, établie en 1949 par G. Vidalenc [18]. Ce discours entre en résonance avec un style d’organisation bien particulier.
L’attachement au fédéralisme et à la laïcité
définissent les principes de base de la « culture organisationnelle »
propre à la CGT-FO [19].
Ils délimitent le lieu commun autour duquel les fondateurs de la
centrale ont justifié leur rupture avec la CGT. Si des sens différents
peuvent être extraits de ces notions, les animateurs de l’éducation
ouvrière voient néanmoins dans le fédéralisme le pendant organisationnel
de la laïcité comme posture philosophique. La laïcité désigne à la fois
un rapport sceptique à ses propres idées et la considération de son
interlocuteur, quel qu’il soit, comme susceptible de dire vrai, par
opposition au « dogmatisme » communiste rapportant toute opinion à son
origine de classe. Une telle disposition d’esprit est indissociable d’un
dispositif de pouvoir, puisqu’elle implique l’impossibilité d’un centre
unique de vérité. Ainsi, de même que les animateurs du CEO
s’interdisent d’être des « directeurs de conscience », le centre
lui-même ne domine pas ses antennes locales. L’activité d’éducation
ouvrière est censée être relayée par la mise en place de Collèges du
Travail [20]
dont la création dépend de la libre initiative des unions locales et
départementales. Le rapport présenté en 1954 précise ainsi que le CEO
« n’a nul désir d’imposer sa conception et d’expédier des directives. Il
est simplement un élément de coordination […] et un bureau
d’information » [21]. Les travaux de « cercles d’études », qui définissent souverainement leur programme de travail, sont également valorisés [22].
C’est un même rôle de coordination qui est dévolu à la Fédération des
jeunesses syndicalistes. Dans les rapports de congrès, la diversité des
publications syndicales est mise en avant comme la preuve que chaque
organisation confédérée peut disposer de son propre organe d’expression.
Ces pratiques et les discours qui leur donnent sens se retrouvent dans
d’autres espaces où les animateurs de l’éducation ouvrière sont souvent
actifs, tels que la franc-maçonnerie et la libre-pensée.
Cette conception éducative se retrouve nettement dans la création des Cahiers Fernand Pelloutier, « cahiers de recherche et de libre discussion sur les problèmes de l’éducation et de l’action ouvrières » selon leur sous-titre. Le fonctionnement de la revue est pensé sur un mode contributif [23] : « Tolérance absolue, bien sûr. Il n’est pas question qu’il y ait ici une tribune libre, les Cahiers eux-mêmes en sont une. Et à cause de cela il faut que ce soit le travail commun d’un groupe vivant de lecteurs et de rédacteurs » [24]. En se plaçant sous le patronage symbolique de Pelloutier, les animateurs de l’éducation ouvrière s’inscrivent dans la tradition syndicaliste révolutionnaire – ou plutôt « autonomiste », pour reprendre la distinction établie par Jacques Julliard [25]. Sous l’impulsion de Georges Walusinski, secrétaire général de la fédération FO de l’Éducation nationale, conseillé en ce sens par la principale figure de La Révolution prolétarienne, Pierre Monatte [26], les Cahiers tentent de s’affirmer comme un cadre d’émulation intellectuelle. À partir du n° 11 (octobre 1950), un cahier imprimé et relié remplace les feuilles ronéotypées agrafées. Tout, des rubriques à la mise en page, du style au format, évoque la revue de Monatte. Hostiles aux dépendances extérieures, les responsables de la revue s’opposent non seulement aux subventions étatiques mais aussi à l’aide de la Confédération, car « l’indépendance d’une publication, fût-elle patronnée par le CEO de la CGT-FO, est fonction de son autonomie financière » [27]. Leur projet est d’encourager le syndicalisme à « créer des outils qui soient bien les siens pour connaître ou presque mesurer le monde et lui-même » [28].
Un domaine d’activités marginal et fragile
Les réalisations sont cependant plus limitées que les ambitions affichées au lancement du CEO. La nouvelle formule des Cahiers peine à trouver son lectorat : le nombre d’abonnés varie entre 200 et 400, loin de l’objectif fixé des 2000. Les numéros tardent à paraître. Dès l’été 1951, au bout de six numéros seulement, l’ancienne formule est de retour. G. Walusinski quitte la revue [29], qui n’a pas réussi à mobiliser au-delà d’un noyau de rédacteurs réguliers, et les expériences locales dont elle se fait l’écho sont rares. Les bilans relèvent l’insuffisance des efforts entrepris en faveur de l’éducation ouvrière. En 1950 déjà, G. Vidalenc déplorait le « peu de liaisons avec des collèges d’ailleurs peu nombreux et restés pour la plupart à l’état d’ébauche » [30]. Les cours du CEO ne regroupent en général que « quelques élèves » [31], ce que Denyse Tomas confirme deux ans plus tard en regrettant le passé plus glorieux du CCEO d’avant-guerre [32]. Au milieu des années 1950, 200 élèves sont inscrits aux cours oraux et autant aux cours par correspondance [33].
Comment expliquer cette faiblesse ? C’est en premier lieu le manque de moyens, humains et matériels qui pèse. On est loin du contexte de 1936, quand la ruée syndicale avait donné sa fonctionnalité au CCEO [34]. La scission de la CGT et le début de la guerre froide ont mis un terme à la dynamique syndicale de la Libération. Des acteurs de premier plan de l’éducation ouvrière d’avant-guerre font défaut, comme Ludovic Zoretti, Georges Albertini mais aussi Georges Lefranc. Liés à la tendance Syndicats ou au courant néo-socialiste, ils ont choisi le camp de Vichy pendant la guerre, ce qui leur barre la route du mouvement syndical à la Libération [35]. Le monde des éducateurs est davantage fragilisé encore par le passage des enseignants à l’autonomie. Alors que dans un premier temps, la FEN-FO s’appuyait sur la double affiliation de ses adhérents à la confédération et à la fédération autonome, cette possibilité est abandonnée dès 1954. La FEN-FO se résumera pour l’essentiel, jusqu’aux années 1980, au syndicat du personnel de l’enseignement technique [36]. Or les statuts types des Collèges du travail faisaient des enseignants les piliers de cette structure [37].
Au début des années 1950, les principaux animateurs du CEO sont des enseignants, doublement marginaux. Ils sont en effet en décalage avec les autres militants sur le plan du capital scolaire, la plupart étant agrégés, en histoire (G. Vidalenc), mathématiques (G. Walusinski), anglais (D. Wurmser) ou ayant fréquenté l’Université (R. Hagnauer). Mais ils détonnent également sur le plan politique : hormis G. Vidalenc, ce sont des libertaires, familiers de La Révolution prolétarienne. Les collèges et cercles d’études dont il est fait état dans les Cahiers Pelloutier sont pour l’essentiel ceux des unions départementales influencées par les libertaires comme la Loire, la Loire-Inférieure ou la Gironde. À une époque où la minorité révolutionnaire, quoiqu’hétéroclite, est influente au sein de la Confédération [38], on peut supposer que la composition du CEO le mette en porte-à-faux vis-à-vis des fédérations où dominent plutôt les sensibilités réformistes.
Les rapports d’activité regrettent ainsi
régulièrement l’indifférence des fédérations à l’égard de l’éducation
ouvrière et, plus largement, la persistance des discours donnant
priorité à la formation « sur le tas ». En outre, dans un mouvement
syndical où la « virilité » est encore connotée positivement pour
désigner la fermeté de conviction, il n’est sans doute pas innocent que
l’éducation ouvrière soit confiée à la seule femme membre du bureau
confédéral. Rose Étienne, fonctionnaire issue du ministère de la Défense
nationale, a 51 ans quand elle prend en charge cette responsabilité.
Elle la conserve de 1948 à 1961, avec d’autres activités (les sports,
les loisirs, le tourisme social, les jeunes et les femmes) que l’on
pourrait définir comme « périphériques » au regard du travail.
Malgré une volonté de continuité avec les expériences de l’entre-deux-guerres fortement revendiquée, le CEO ne retrouve donc pas les conditions qui avaient alors favorisé le développement de l’éducation ouvrière. Le contexte est pourtant riche d’injonctions diverses aux activités d’étude. En resituant l’éducation ouvrière dans ce cadre, on peut comprendre comment celle-ci s’est trouvée progressivement redéfinie par la notion de formation.
II
La multiplication des injonctions à la formation et le basculement des années 1950
Si le discours de la « formation sur le tas » reste dominant parmi les cadres syndicaux, les appels à la formation « en salle » n’en sont pas moins massifs tout au long des années 1950. Formation, plutôt que culture ou éducation : l’apprentissage n’est plus valorisé comme une fin en soi. Plutôt que de renvoyer à l’occupation utile du temps libre, la formation est valorisée dans une perspective instrumentale, comme un moyen de consolider l’organisation syndicale. Un basculement s’opère ainsi dès le milieu des années 1950 dans la conception des activités éducatives : d’une culture offerte au plus grand nombre, dont la valeur réside en elle-même, on passe à une formation réservée aux « meilleurs » et servant des finalités qui la dépassent.
Former l’encadrement militant
Priorité est donnée à l’éducation militante, à une « formation syndicale accélérée » puisque c’est dans ces termes que sont désignées les décades d’étude destinées aux militants « susceptibles d’assumer un jour ou l’autre des responsabilités syndicales » [39]. Le passage de la formation « sur le tas » à la formation formelle se légitime ainsi par la rupture consécutive à la scission de la CGT : il faut parfois partir de rien et le faire dans un contexte de concurrence exacerbée avec les autres syndicats. Dans ce cadre, le développement et la consolidation militante suscitent plus d’intérêt chez les responsables syndicaux que l’éveil à la culture.
Les premières décades sont organisées en 1949.
Leur organisation matérielle est confiée au secrétaire de l’union FO de
la région parisienne [40].
Certaines sont organisées en régions. Dès 1950, des sessions de
« moniteurs » sont créées afin de multiplier les actions de formation [41].
À partir de 1952, la Confédération internationale des syndicats libres
finance des « quinzaines d’études » professionnelles qui se tiennent au
cœur de la forêt de Compiègne, au château de La Brévière, propriété des
syndicats suédois. Ce soutien s’inscrit dans un programme d’assistance
financière lancé par l’internationale syndicale [42]. Il concerne la France et l’Italie, les deux pays
d’Europe occidentale où l’influence communiste est la plus forte. Ces
sessions visent en priorité les secteurs stratégiques des transports et
de l’industrie lourde. Y sont notamment abordés les techniques de
négociation collective, « l’organisation des administrations
syndicales » et d’autres thèmes qui touchent au rôle du « syndicalisme
libre » ou à diverses problématiques d’ordre économique [43].
Elles se tiennent au rythme d’une session par mois et regroupent à
chaque fois une quarantaine de travailleurs. Ces sessions généralisent
la pratique du stage. Si G. Vidalenc les définit comme « la forme la
plus attrayante et la plus fructueuse d’éducation ouvrière dans les
conditions présentes » [44],
la « formation syndicale accélérée » ne va pas sans susciter les
regrets de D. Wurmser, qui leur préfère des méthodes d’étude plus
progressives et opiniâtres, mais en admet cependant l’utilité « faute de
mieux » [45].
Ces activités de formation militante engagent des moyens dont le CEO ne dispose pas. La planification des stages implique la sélection des stagiaires, amenant le centre confédéral à développer un savoir spécifique sur l’organisation. Il sollicite l’avis des moniteurs et des instances syndicales régulières. En 1951, un questionnaire commence à recueillir les appréciations des stagiaires et mesurer les « effets » des sessions [46]. Les membres du CEO sont réduits au rôle d’animateurs dans un cadre dont la forme et le contenu leur échappent, puisque les décades sont « décidées par la Confédération et financées directement par elle » [47]. Le succès des stages tient au fait que la Confédération prend intégralement en charge les frais de déplacement et les pertes de salaire. Le seul obstacle réside dans l’obtention d’un congé auprès de l’employeur. Une institution spécifique est créée en 1954 pour assurer ce pilotage : le Centre de formation des militants syndicalistes (CFMS). Sa gestion administrative est confiée à un militant assisté d’un Comité des études composé de représentants des fédérations. Celui-ci se distingue nettement des « professeurs » du CEO : ancien de la mine d’or de Salsigne, Edouard Jean, jusqu’alors secrétaire général de l’union départementale de l’Aude et secrétaire de la Fédération des mines, est appelé à ce poste par Robert Bothereau [48]. Il apparaît comme un homme de confiance du secrétaire général. Son rôle est en effet d’autant plus délicat qu’il doit gérer des fonds dont l’origine fait débat dans la confédération. La création du CFMS s’inscrit en effet dans un cadre qui dépasse le seul enjeu du développement syndical.
Développement d’une fonction technique et promotion de la productivité
S’il est un argument qui est au cœur de la relance de l’éducation ouvrière, c’est bien la nécessité de faire face aux responsabilités nouvelles confiées au syndicalisme depuis la Libération : « L’action exige de nos militants qu’ils soient successivement juristes, économistes, journalistes, qu’ils sachent à la fois organiser et négocier » [49]. C’est particulièrement l’institution des Comités d’entreprise (CE) qui développe cette sensibilité « constructive ». Les CE sont alors investis de toutes les promesses – celles d’un apprentissage de la gestion préparant le dépassement du capitalisme – et de toutes les craintes – celles d’un retour au corporatisme. D’où l’importance de dispenser une formation efficace aux délégués ouvriers dans ces organismes, alors que la loi n’en prévoit aucune [50]. L’enjeu d’une formation économique et comptable est notamment souligné quand, dans le contexte d’une forte inflation, certains délégués sont invités par l’employeur à cautionner l’augmentation des prix [51]. Des cours de comptabilité d’entreprise sont organisés par le CEO. Des accords sont parfois conclus localement avec le patronat pour organiser la formation des délégués ouvriers, par exemple dans le Nord [52]. La libre négociation des salaires, rétablie par la loi du 11 février 1950, étend cet enjeu de compétence technique au-delà des entreprises.
Alors que l’éducation ouvrière souffre d’une
pénurie de moyens, la formation aux réalités de l’entreprise est
fortement subventionnée par les pouvoirs publics, eux-mêmes soutenus par
les autorités états-uniennes dans le cadre de leur politique de
promotion de la productivité [53].
L’intéressement des représentants des « syndicats libres » à cette
question passe initialement par l’organisation de missions d’études aux
États-Unis [54].
Mais celles-ci touchent peu de monde et leurs répercussions sont
faibles dans le mouvement syndical. Des réalisations plus tangibles
suivront après le Mutual Security Act
de 1951 : l’amendement dit « Blair-Moody » voté par le Congrès
américain en 1952 accorde à la France une subvention de trente millions
de dollars, dont une partie est destinée aux activités en direction des
travailleurs. Un Fonds National de la Productivité est créé en 1953 pour
gérer cette somme dont un chapitre est consacré à la « formation
générale ouvrière ». Ce fonds constituera la tirelire des « syndicats
libres » pour leurs réalisations en matière d’accompagnement technique.
Il permet, dans le cas de FO, de financer intégralement la création du
CFMS en 1954 et celle du Bureau d’études économiques et sociales deux
ans plus tard [55].
Une autre initiative doit être distinguée : celle qui donne naissance en 1956, sous l’impulsion de Marcel David, à l’Institut du travail de Strasbourg. Elle vise à permettre aux syndicalistes d’accéder aux savoirs les plus avancés en matière de droit du travail et d’économie [56]. Ce projet est né des échanges que ce professeur de droit entretenait avec la CFTC. Il diffère des autres programmes de promotion de la formation syndicale en ceci qu’il entend dès l’origine y associer la CGT. D’autres expériences avaient donné naissance aux instituts des sciences du travail de Lille (1950) et de Paris (1951). Par-delà leurs spécificités, ces initiatives contribuent à valoriser une nouvelle figure de syndicaliste, celle de l’expert. L’insistance sur la fonction d’expertise, l’accent mis sur la spécialisation des compétences conduisent à redessiner le rapport syndical au savoir. À partir d’une éducation technique pensée initialement comme devant être appropriée par tous les militants (« tous experts ») se met en place la formation spécialisée d’experts occupant une position spécifique dans la division du travail syndical (« des experts pour tous »).
Une nouvelle division du travail intellectuel et syndical
Une partition plus nette s’opère ainsi entre les espaces de confrontation militante et les espaces d’activité intellectuelle. L’évolution des Cahiers Fernand Pelloutier illustre bien cette tendance. Dans le rapport présenté au congrès confédéral de 1956, l’élargissement du lectorat de la revue (passée de 350 à 1 000 abonnés) est associé à la décision de restreindre à la « controverse technique » le champ des Cahiers : « Nous pensons, en effet, que toutes les activités du Centre doivent avoir un caractère strictement objectif et que les problèmes d’orientation ne sont pas de son ressort » [57]. Peu avant, en 1955, Toussaint Ottavy avait succédé à Denyse Wurmser-Tomas comme directeur de la revue, tout en devenant le directeur-adjoint gérant du CEO. M. David le décrit comme un militant marqué par un fort sentiment d’illégitimité culturelle : « Postier de profession, ayant abandonné ses études trop tôt à son gré, il souffrait, en toute autre matière que l’histoire du mouvement ouvrier, de n’être pas suffisamment à l’aise pour s’y aventurer » [58]. Permanent détaché de la Fédération postale – qui est un influent soutien de la majorité confédérale –, T. Ottavy se rapproche d’E. Jean par son profil. La neutralisation de la fonction politique des Cahiers, originellement indissociable de sa fonction éducative, est contemporaine de ce remplacement d’une « représentante du savoir » par un « représentant de l’organisation ».
Les conditions de naissance du CFMS reflètent déjà cette dissociation. En 1954, le décalage est manifeste entre les éloges du directeur de cabinet du ministère du travail, qui voit dans le projet de FO un programme de « formation technique et humaine » évoquant les « principaux aspects de la productivité » [59], et le discours qui lance officiellement le CFMS devant les syndiqués : « La classe ouvrière […] constate combien il est vain de compter uniquement sur la protection d’une trompeuse légalité très souvent au service d’une justice de classe. Les travailleurs doivent se défendre par leurs propres moyens et, pour cela, il faut qu’ils s’organisent » [60]. Ce décalage renvoie au contexte politique agité dans lequel a lieu cette naissance. Elle a été retardée d’un an à cause des grandes grèves de l’été 1953. Et l’année précédente, un vif débat lors du congrès confédéral avait entraîné le retrait des représentants FO des organismes mis en place sous l’égide du Ministère du travail pour améliorer la productivité des entreprises [61]. Lors du congrès de 1954, la discussion sur le CFMS est tout simplement écartée, comme en témoignent ces propos du rapporteur de la sous-commission d’éducation ouvrière : « En ce qui concerne la formation des militants propres, elle a été organisée à l’échelon de la Confédération à l’aide de moyens que la commission de l’éducation ouvrière n’avait pas à critiquer ou à connaître, étant donné que la commission n’a pas été documentée sur les moyens qui permettaient de financer la formation des militants. » [62]
La subordination des savoirs aux politiques
syndicales est également rappelée par la naissance de l’Institut du
travail de Strasbourg. Les réticences de FO vis-à-vis de la cohabitation
forcée avec la CGT sont en effet dissipées par le dédoublement
systématique des animateurs et la garantie d’un contrôle syndical sur le
choix des enseignants et le contenu de leurs cours, donnant naissance à
cette « pédagogie hybride » que décrit L. Tanguy [63].
La mise sur pied d’enseignements de pédagogie dans le cadre de
l’Institut des sciences sociales du travail de Sceaux, à partir de 1960 [64],
contribuera à nouer et conforter ces deux injonctions à la formation
initialement distinctes qu’étaient le développement organisationnel et
l’accès à la science. Les sessions pédagogiques donnent l’occasion aux
syndicalistes de se familiariser avec la psychosociologie et la théorie
des relations humaines. M. David explique qu’elles ont permis aux cadres
syndicaux, a priori méfiants
vis-à-vis d’un savoir manié par les directions d’entreprise, de
constater « que ce nouveau savoir-faire était compatible avec d’autres
orientations » [65].
Au regard d’une communauté éducative jusqu’alors valorisée dans son
horizontalité, le recours à la psychologie sociale conforte cependant
une représentation verticale de l’organisation qui pense les fonctions
et mentalités des « cadres » syndicaux dans les mêmes termes que leurs
homologues en entreprise, comme des « chefs avisés » partageant la
responsabilité de conduire des hommes.
Le basculement qui s’opère au milieu des années 1950 ne réside donc pas dans la valorisation des sciences et techniques ou dans la formation des cadres militants. Ces thèmes ne sont pas nouveaux et ils sont abondamment discutés dans les espaces dédiés à l’éducation ouvrière. La rupture se situe plutôt dans la façon dont ces registres se combinent, et dans les lieux et les techniques qui les informent. C’est en partie à côté de l’éducation ouvrière que se déploie et s’instrumente la formation des militants, comme un dispositif beaucoup plus rigide et centralisé. Elle appelle des acteurs dont les propriétés les distinguent des éducateurs traditionnels. Pendant un certain temps, les deux dispositifs coexistent de manière plus ou moins tendue. Loin d’être fondateur, le travail de codification étatique, qui n’intervient qu’à la toute fin des années 1950, vient surtout les départager.
III
Vers l’administration du sens syndical
L’institutionnalisation de la formation syndicale s’opère à la rencontre de l’épuisement du modèle de l’éducation ouvrière et de l’affirmation de nouvelles raisons d’avoir recours à la formation. L’agrégation de ces injonctions diverses se stabilise grâce au travail de codification de l’État qui donne naissance à un dispositif d’administration du sens syndical.
La consolidation étatique de la formation
La formation devient le centre des activités éducatives pour deux raisons. D’abord, parce que plusieurs changements législatifs favorisent le prolongement de la scolarité, l’enseignement technique et professionnel ainsi que la promotion sociale [66]. C’est dans ce contexte que les activités d’enseignement général et professionnel du CEO périclitent à la fin des années 1950. Leur abandon est acté par le secrétaire confédéral qui succède à Rose Étienne en 1961, Pierre Galoni. Au même moment, d’autres changements législatifs affectent les pratiques d’éducation syndicale.
Loin d’intervenir sur un terrain vierge, les lois du 23 juillet 1957 et du 28 décembre 1959 sur le congé d’éducation ouvrière prennent sens au regard des pratiques développées antérieurement par les organisations syndicales, précédemment décrites. L’institution du congé d’éducation ouvrière confirme le passage du temps libre au temps aménagé, en apportant une réponse au principal obstacle à la participation aux sessions. Le temps éducatif s’inscrit désormais légalement dans le cadre des horaires de travail. La forme du stage, doublement valorisée par la pratique des décades militantes et des sessions supérieures, se trouve par la même occasion consolidée, d’autant plus que le congé est défini comme une séquence de douze jours fractionnable une fois. La loi conforte également la centralisation des activités éducatives puisque le droit au congé est subordonné à la participation aux activités des centres et instituts agréés par le ministère du Travail. La loi de 1959 organise également un dispositif de subventionnement qui se substituera au Fonds National de la Productivité (FNP), via un financement public de la « formation économique et sociale des travailleurs appelés à exercer des fonctions syndicales ». C’est à cette fin que les organisations doivent produire des « programmes préalables de stages ou sessions, précisant notamment les matières enseignées et la durée de scolarité » [67]. Ces règles ne font que confirmer celles qui existaient déjà avec le FNP. Elles posent le principe quantitatif du nombre de journées de stages par élève comme ratio d’évaluation du bon usage des crédits alloués, encourageant à faire de cette pratique le cœur de métier des éducateurs. Mais la loi objective et publicise les conditions d’accès aux avantages garantis par l’État. De la sorte, elle rend possible l’intégration à terme de la CGT dans le dispositif [68] et permet à FO de légitimer le changement de philosophie éducative en s’appuyant sur le droit.
Le nouveau cadre juridique conduit en effet les responsables de la formation syndicale à rationaliser leur curriculum. Ils proclament en 1961 la nécessité d’adapter les structures éducatives aux « exigences du syndicalisme moderne » [69]. La vocation éducative des Collèges du travail et des jeunesses syndicalistes est redéfinie. Celles-ci sont présentées comme une « structure d’accueil » susceptible d’attirer les jeunes grâce à des activités de loisirs, ainsi renvoyées au « divertissement ». En avril 1963, elles sont réorganisées sous la forme d’un service confédéral de la jeunesse. Pour mettre un terme aux conflits qui avaient surgi dans les syndicats – les jeunesses syndicalistes s’étaient démarquées de la confédération pendant la guerre d’Algérie –, les responsables de groupes jeunes sont désormais désignés par les responsables syndicaux et non plus élus par leurs pairs. Les collèges du travail se voient confier un rôle d’éducation « primaire » et « permanente ». Mais c’est en 1964 que s’opère la principale « réorganisation du service de la formation » [70]. Une nouvelle architecture est inaugurée dont le fondement est le stage de 1er degré. À travers lui, le CFMS déploie ses « services » au niveau local et se substitue aux collèges du travail. Quatre types de sessions s’enchaînent dans une logique affirmée de cursus : la session des acquisitions de base ; les sessions spécialisées (Secrétaires de syndicats, Collecteurs et trésoriers, Délégués à la propagande, Délégués du personnel, Délégués des comités d’entreprise, Animateurs de groupes de jeunes, etc.) ; les sessions fédérales du second degré ; les sessions de niveau supérieur en collaboration avec les Instituts du Travail avec pour « objectif d’équiper les appareils des Fédérations et des UD en spécialistes du droit et de l’économie. » La parution des Cahiers Pelloutier est interrompue cette même année. La controverse, même technique, n’est plus d’actualité. Une refonte générale de la presse confédérale débouche sur la publication d’un nouveau titre, FO Magazine. La presse est redéfinie comme un système d’extériorisation des positions syndicales et non plus comme une constellation d’arènes de discussion et de confrontation des points de vue. Les tribunes libres disparaîtront de FO hebdo peu de temps avant le congrès confédéral de 1966. Si ces événements relèvent de logiques différentes, ils participent de la définition d’un nouveau rapport aux idées auquel l’institutionnalisation de la formation a également contribué.
Le schéma de 1964 explicite le changement
survenu dans la façon de penser l’éducation syndicale. Elle doit
désormais servir à « l’expansion » de l’organisation grâce à la
formation de « sergents-recruteurs ». Le discours de la psychologie
sociale s’est diffusé : la formation doit permettre au militant de
« ressentir de l’estime, de l’affection, de l’amitié, de la confiance,
pour sa Confédération et ses responsables » [71].
Tout un vocabulaire de la « gestion des ressources militantes »
s’affirme à cette époque, qu’illustre encore cet extrait du rapport de
1966 : « Les secrétaires de Fédérations et d’Unions doivent intervenir
directement auprès des secrétaires de syndicat afin de les aider à
utiliser rationnellement, systématiquement, tous les stagiaires. » Ces
derniers sont présentés comme un « capital de talents, de compétences,
de dévouement », selon une rhétorique économique qui n’est pas que
métaphorique : « nous les avons fait participer à la campagne de la
vente des agendas. Le chiffre record de vente atteint cette année prouve
l’efficacité de cette participation. » [72]
La « modernisation » de la formation syndicale consolide ainsi l’ajustement des activités éducatives au format défini dans la période antérieure, au croisement des réseaux du syndicalisme libre et de la productivité. Mais cette définition s’impose dans l’organisation dans la mesure où elle est reprise par des acteurs qui s’y reconnaissent, à l’image du militant qu’E. Jean appelle à ses côtés en 1958 pour s’occuper de l’animation pédagogique. Issu de la même UD que le directeur du CFMS, Marcel Caballero, fils d’un militant anarcho-syndicaliste d’origine espagnole, après des études de comptabilité en Collège d’enseignement technique, entre pour deux ans en 1954 à la Caisse d’allocations familiales de l’Aude (il est en réalité permanent pour l’UD). Il séjourne ensuite pendant deux ans aux États-Unis dans le cadre d’une mission de productivité, « pour partie à l’Université Columbia de New York, et pour partie sur le tas dans les organisations syndicales américaines, pour se familiariser avec les relations du travail aux États-Unis » [73]. Revenu en France, il fait un bref passage à la régie Renault comme comptable du Comité d’entreprise, dans l’attente de devenir permanent au CFMS. Triplement socialisé à la comptabilité, au monde universitaire et au modèle américain, il était particulièrement disposé à s’identifier au projet de moderniser l’encadrement syndical. Il entretient sa sensibilité moderniste au sein de l’association Peuple et culture et du bureau de l’Union des cadres et ingénieurs FO [74].
Des « investissements intellectuels » à la protection du patrimoine idéologique
Tout
au long des années 1960, les responsables de la formation pensent leur
fonction dans les catégories du discours économique de l’époque, telles
qu’elles sont en particulier forgées au sein des institutions de la
planification [75].
La statistique et les leçons du « Professeur Fourastié » sont
omniprésentes dans les rapports confédéraux. La formation est synonyme
d’« investissements intellectuels » et doit servir autant la croissance
syndicale que l’expansion économique ou le développement international.
Ce cadrage économique des activités intellectuelles renvoie à la forte
imbrication des secteurs confédéraux de la formation et de l’économie.
Ce lien s’est noué dans la période antérieure, les Cahiers Pelloutier
donnant à voir la montée en puissance des problématiques économiques.
Il est conforté par les affinités sociales et politiques qui lient M.
Caballero à André Granouillac, directeur du Bureau d’études économiques
et sociales (BEES) dans les années 1960. Celui-ci participe directement
aux activités du CFMS, en prenant notamment en charge l’édition de
brochures de formation. Au-delà du BEES, les réseaux « productivistes »
extérieurs à la centrale sont mis à contribution. Les experts de
l’Agence européenne de productivité, puis du commissariat général du
plan, interviennent dans les stages. Certaines brochures sont rédigées
par des plumes extérieures. C’est le cas de la série « Comment connaître
son entreprise », réalisée par Fernand Boutaut, directeur du Centre
Intersyndical d’Études et de Recherches de Productivité (CIERP). M.
Caballero évoque également des relations étroites avec son homologue
responsable de la formation à la CFDT, Raymond Lebescond. Ce dispositif
encourage la professionnalisation experte de l’activité syndicale. Il
débouchera, à la fin des années 1960, sur un projet semblable à celui de
la CFDT de formation longue des permanents syndicaux, avec un cycle de
dix semaines pour les cadres départementaux et fédéraux à l’Institut du
travail de Sceaux [76].
Tous ces projets disparaissent brutalement après mai 68, dans le contexte des tensions qui affectent FO à cette époque et se soldent par la marginalisation en son sein des courants « modernistes » [77]. C’est parce qu’il prône l’alliance avec le mouvement étudiant et la CFDT pour « contourner le PC et la CGT sur leur gauche », en désaccord avec l’orientation confédérale, que M. Caballero quitte son poste de permanent. Profitant de l’adoption de la loi de 1971 sur la formation professionnelle continue, il reconvertit ses ressources d’éducateur hors du champ syndical en fondant un organisme de formation professionnelle. En 1970 est créée une commission confédérale de la formation, composée de membres de la commission exécutive confédérale, qui est chargée de « préciser le contenu idéologique de notre formation. » [78] Cette inflexion résulte de l’exacerbation de la concurrence intersyndicale – spécialement dans la mise en cause de « l’isolement » de FO par l’axe CGT-CFDT – et de l’idéologisation des termes de cette concurrence, les débats sur le socialisme et l’autogestion se diffusant alors dans le monde syndical. Le rapport adopté le 20 novembre 1970 à l’unanimité de la commission, proclame : « pas d’îlot de matière grise dans la confédération ». Les activités de formation syndicale au sein du bureau confédéral s’éloignent du secteur économique pour se rapprocher du secteur organisation. C’est un binôme de deux secrétaires confédéraux, Roger Lerda (chargé de l’enseignement et de la formation) et Roger Sandri (chargé de l’organisation), qui pilote désormais le dispositif. Ces responsables et ceux qu’ils enrôlent au CFMS, faisant valoir pour toute autorité leurs titres militants, n’auront de cesse de marquer leur défiance à l’égard des postures intellectuelles [79]. Mais si les « militants » (les spécialistes du syndicalisme) évincent les « experts » (les spécialistes des savoirs techniques) au nom du retour à la doctrine, ils ne défendent pas pour autant un retour à l’éducation « politique » d’antan. Leur pratique s’ajuste au format établi par leurs prédécesseurs. Elle s’inscrit dans une conception de la formation qui est toujours d’équiper techniquement des syndicalistes dont la mission légitime consiste à tirer le meilleur parti de la croissance économique.
IV
Conclusion
À la naissance de la CGT-FO, l’éducation ouvrière désignait un dispositif politico-intellectuel de type coopératif. Dans le contexte des années 1950, différentes injonctions à la formation se combinent pour donner naissance à un autre dispositif, plus centralisé et d’ordre « technico-doctrinal ». L’adoption des lois de 1957 et 1959 contribue à favoriser ce dernier dispositif au détriment du premier. Le but de l’éducation n’est plus, comme au temps de l’éducation ouvrière, de susciter la curiosité intellectuelle ou de faire croître la culture des militants, mais d’administrer un sens syndical supposé stable et prédéfini. Si la syndicalisation de la formation est étroitement liée aux encouragements de la puissance publique, elle dépend également d’un passage de relais dans les équipes en charge de cette activité. Dans la période étudiée, on voit ainsi se développer l’encadrement administratif des activités éducatives et se succéder trois profils différents d’éducateurs : des intellectuels issus du monde de l’enseignement, des intellectuels issus du monde de l’entreprise et des militants sans lien direct avec le monde intellectuel.
Comment un système de formation centralisé
a-t-il pu se faire accepter dans une organisation revendiquant son
attachement au fédéralisme et à la « liberté de conscience » ? Si le
CFMS n’est pas contesté dans son rôle, c’est parce qu’il se différencie
nettement des enjeux d’orientation. D’une part, les programmes de
formation sont élaborés en lien avec les fédérations, qui sont jusqu’au
début des années 1970 le principal interlocuteur du CFMS. On passe ainsi
d’un fédéralisme à l’autre : de l’autonomie des organisations
confédérées à l’autorité des fédérations. D’autre part, la fonction du
CFMS est réduite à la transmission de savoirs « objectifs » – comme les
langages « neutres » du droit et de l’économie – ou de savoir-faire
présentés comme strictement techniques. Aux yeux des militants, la
« libre pensée » est donc sauve. Mais elle est réservée à l’expression
d’opinions subjectives, distinctes des positions d’organisation. Dans ce
nouveau cadre de pensée, la scène éducative n’est plus le lieu où
pourraient se croiser ces deux dimensions.
Constater l’institutionnalisation d’un dispositif d’administration du sens syndical n’équivaut aucunement à décrire l’affirmation absolue de l’autorité confédérale. Déplacer la focale vers les usages de la formation conduirait à relativiser l’impact de ce processus centralisateur. Le passage de l’éducation ouvrière à la formation syndicale provoque cependant une rupture importante. S’il ne parvient que modérément à renforcer l’emprise de la confédération sur un univers syndical qui reste très éclaté, il contribue surtout à marginaliser certaines habitudes intellectuelles : celles par lesquelles les syndicalistes définissaient eux-mêmes les frontières légitimes de leur activité.
Extrait de Le Mouvement Social 2011/2 n° 235
Notes :
[1] G. Vidalenc, « En marche vers la gestion. Rapport au Congrès sur le Centre d’Éducation de la CGT Force Ouvrière », Force Ouvrière, n° 120, 15 avril 1948, p. 11.
[2] « Rapports présentés au 10e Congrès confédéral », Force Ouvrière Informations, 1969, p. 170.
[3] La notion se retrouve dans deux contributions à M. David (dir.), L’individuel et le collectif dans la formation des travailleurs. Approche historique (1944-1968), Paris, Economica, 1976 : B. Pudal, « La CGT et le rapport individuel/ collectif dans l’éducation ouvrière et l’éducation syndicale de 1944 à 1967 », p. 185-230, et M. Revah et N. Felzenszwalbe, « FO et le rapport individuel/collectif dans la formation des travailleurs », p. 328-387.
[4] Voir l’article de N. Éthuin et Y. Siblot dans ce numéro du Mouvement Social.
[5] L’expression, reprise d’É. Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse : le système totémique en Australie, rééd., Paris, PUF, 1968, s’inscrit dans la perspective du programme « Durkheim-Fleck » de sociologie cognitive proposé par M. Douglas, Comment pensent les institutions, Paris, La Découverte, 1999.
[6] Ces sources se trouvent au Centre de documentation de la CGT-FO, sauf les Cahiers Pelloutier, dont la collection quasi-complète est consultable à l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam.
[7] Plus particulièrement sur les archives de J. Gouin, représentant du ministère au Conseil national de la productivité (Archives Nationales, CAC 19760121).
[8] Il seconde Georges Lefranc à l’Institut supérieur ouvrier dès 1933. M. Dreyfus, « Vidalenc, Georges », in J. Maitron (dir.), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, t. 43, Paris, Éditions de l’Atelier, 1993.
[9] Rubrique « La vie du CEO », Cahiers Fernand Pelloutier, n° 7, janvier-février 1950.
[10] R. Étienne, « Enseignement ouvrier », circulaire confédérale aux Unions départementales (UD) et fédérations, 24 mai 1948.
[11] R. Étienne, « Films éducatifs », circulaire confédérale aux UD et fédérations, 20 mars 1951.
[12] R. Étienne, « Films éducatifs », circulaire confédérale aux UD et fédérations, 20 août 1951. Sur le « cinéma éducateur », voir V. Vignaux, Jean Benoit-Lévy ou le corps comme utopie, une histoire du cinéma éducateur dans l’entre-deux-guerres en France, Paris, AFRHC, 2007. L’appropriation du cinéma à des fins éducatives est ancienne dans le mouvement syndical : cf. J. Ueberschlag, Jean Brérault, l’instituteur cinéaste (1898-1973), Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2007. Le rôle des services américains après-guerre s’inscrit dans la politique menée conjointement par le gouvernement et les syndicats états-uniens en soutien aux syndicats « libres » contre la CGT. Cf. A. Lacroix-Riz, « Autour d’Irving Brown : l’AFL, le Free Trade Union Committee, le Département d’État et la scission syndicale française (1944-1947) », Le Mouvement Social, n° 151, avril-juin 1990, p. 79-118. Sur l’importance accordée à la CGT-FO par la diplomatie américaine, voir P. Grémion, Intelligence de l’anticommunisme. Le Congrès pour la liberté de la culture en Europe (1950-1975), Paris, Fayard, 1995.
[13] R. Étienne, G. Vidalenc, D. Wurmser, Circulaire confédérale aux UD et fédérations, 12 décembre 1949.
[14] Cahiers Fernand Pelloutier, n° 12, novembre 1950. L’épouse de l’ancien secrétaire général de la CGT devenu après la scission président de la CGT-FO, Augusta Jouhaux, fut directrice du Bureau de correspondance du Bureau International du Travail en France de 1949 à 1971.
[15] « Rapports présentés au 4e congrès confédéral – 22-25 novembre 1954 », Force Ouvrière Informations, n° 32, septembre 1954, p. 263.
[16] Entretien avec Marcel Caballero, 8 octobre 2009.
[17] R. Étienne, « Fédération nationale des Auberges de Jeunesse », circulaire confédérale aux UD et fédérations (en communication aux unions locales), 1er mars 1951.
[18] La charte est reproduite in M. David (dir.), L’individuel et le collectif dans la formation des travailleurs, op. cit., p. 423-424.
[19] K. Yon, Retour sur les rapports entre syndicalisme et politique : le cas de la CGT-FO. Éléments pour la sociologie d’un « monde de pensée », thèse de doctorat de science politique, Université Paris I, 2008.
[20] C’était le nom courant, hérité de la CGT, de ces cercles éducatifs locaux (voir l’article de M. Poggioli dans le présent numéro du Mouvement Social).
[21] « Rapports présentés au 4e congrès confédéral », op. cit., p. 260.
[22] Une telle expérience est relatée dans le département de l’Eure : J. Lefèvre, « Loisirs et culture », Cahiers Fernand Pelloutier, n° 86, janvier 1959, p. 21.
[23] L’anachronisme étant parfois éclairant, nous pourrions comparer le projet de la revue à celui des sites Internet de type « wiki ».
[24] R. Étienne et G. Walusinski, « Avant-propos », Cahiers Fernand Pelloutier, n° 1, mai-juin 1949, p. 4.
[25] J. Julliard, Autonomie ouvrière. Études sur le syndicalisme d’action directe, Paris, Gallimard-Seuil, 1988.
[26] G. Walusinski, « Mêlant son pas au nôtre », Témoins, n° 25, novembre 1960.
[27] G. Walusinski, « Les bons comptes font les bons journaux », Cahiers Fernand Pelloutier, n° 12, novembre 1950.
[28] G. Walusinski, « Une ambition : penser le syndicalisme », Cahiers Fernand Pelloutier, n° 10, juin-septembre 1950, p. 3.
[29] Il est remplacé par Denyse Wurmser en position de gérant.
[30] G. Vidalenc, « Rapport sur le CEO – partie activité », Cahiers Fernand Pelloutier, n° 10, octobre 1950.
[31] Idem.
[32] D. Tomas, « Réflexions sur les semaines d’études internationales du CEO », Cahiers Fernand Pelloutier, n° 28, novembre 1952.
[33] « Rapports présentés au 5e Congrès confédéral – xxxviie Congrès national corporatif, Palais de la Mutualité. 24, 25, 26 et 27 octobre 1956 », Force Ouvrière Informations, n° 53, septembre 1956, p. 323.
[34] Voir l’article de M. Poggioli dans ce numéro du Mouvement Social.
[35] La tendance Syndicats, pacifiste et anticommuniste, était majoritaire dans la Fédération CGT de l’Enseignement à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Cf. M.-F. Rogliano, « L’anticommunisme dans la CGT : “Syndicats” », Le Mouvement Social, n° 87, avril-juin 1974, p. 63-84. Sur le rapport des syndicalistes au régime de Vichy, voir J.-P. Le Crom, Syndicats nous voilà. Vichy et le corporatisme, Paris, Éditions de l’Atelier, 1995.
[36] H. Ducret, « Force ouvrière et les enseignants », in S. Bouchard, D. Grenez, G. Clavreul, J.-P. Lecomte, H. Ducret, Cinq contributions à 1’étude de Force Ouvrière, Document de travail n° 63, Paris, FNSP-CEVIPOF, 1994, p. 64.
[37] G. Vidalenc, « Centre d’Éducation Ouvrière. Il faut multiplier les collèges du travail », Force Ouvrière, n° 122, 29 avril 1948.
[38] J.-Y. Sabot, « Force Ouvrière dans la métallurgie à sa création », in M. Dreyfus, G. Gautron, J.-L. Robert (dir.) La naissance de Force Ouvrière : autour de Robert Bothereau, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2003, p. 83-97 ; M. Noyer, L’Union départementale CGT-Force Ouvrière de Maine et Loire de 1948 à 1956, mémoire de maîtrise d’histoire, Université d’Angers, 2003 ; G. Trousset, Libertaires et syndicalistes révolutionnaires dans la CGT Force Ouvrière (1946-1957), mémoire de master 2 d’histoire, Université Paris I, 2007.
[39] R. Étienne, G. Vidalenc, D. Wurmser, Circulaire aux UD et fédérations, 12 décembre 1949.
[40] Idem.
[41] R. Étienne, « Décades d’études », circulaire aux UD et fédérations, 16 septembre 1950.
[42] T. Regin, Les relations intersyndicales françaises à la lumière des engagements internationaux, thèse de doctorat d’histoire, Université de Bourgogne, 2003, p. 108-109. L’internationale prend également en charge l’édition d’une brochure rédigée par G. Vidalenc, Aspects du mouvement syndical français, en 1953.
[43] R. Étienne, « Éducation ouvrière – quinzaines d’études », circulaire aux UD et fédérations, 9 février 1952. Elles sont réduites à dix jours à partir de l’automne 1952.
[44] G. Vidalenc, « Rapport sur le CEO – partie activité », art. cit.
[45] D. Wurmser, « Rapport sur le CEO – partie projet », Cahiers Fernand Pelloutier, n° 10, octobre 1950.
[46] R. Étienne, Circulaire aux UD et pour information aux fédérations, 25 juin 1951.
[47] « L’éducation ouvrière », Force Ouvrière Information, n° 2, décembre 1951, p. 14.
[48] D’après le témoignage d’André Frey (entretien du 14 janvier 2009). Cet ancien responsable cheminot, né en 1927, devient le directeur pédagogique du CFMS en 1972, mais il est investi à FO dès sa création.
[49] G. Vidalenc, « En marche vers la gestion », art. cit.
[50] Cet apprentissage devait s’opérer indirectement, grâce au droit donné aux élus de recourir à l’assistance d’un expert-comptable agréé (cf. P. Cristofalo, Syndicalisme et expertise. De la structuration d’un milieu de l’expertise au service des représentants du personnel (1945 à nos jours), thèse de doctorat de sociologie en cours de réalisation à l’Université de Paris Ouest-Nanterre).
[51] R. Champion, « Psychologie sociale et problèmes de gestion ouvrière », Cahiers Fernand Pelloutier, n° 5-6, novembre-décembre 1949, p. 34-37.
[52] E. Caus, « Nouvelles de l’éducation ouvrière – dans le Nord », Cahiers Fernand Pelloutier, n° 13, décembre 1950, p. 15-16.
[53] R. Boulat, Jean Fourastié, un expert en productivité. La modernisation de la France, années 1930-1950, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2008.
[54] P. Cristofalo, « Les missions de productivité dans les années 1950 : une tentative pour importer en France une fonction d’expertise syndicale », Travail et Emploi, n° 116, 2008, p. 69-81.
[55] Note du ministre du Travail et de la Sécurité sociale à M. le commissaire général à la Productivité au sujet de deux demandes (FO et CFTC), 27 juillet 1954 (AN, CAC 19760121, article 067) ; Exposé des motifs justifiant la création du BEES par FO (article 066) ; Note du directeur du Travail au ministre au sujet de cette demande, 1956 (article 065).
[56] M. David, Témoins de l’impossible : militants du monde ouvrier à l’université, Paris, Éditions ouvrières, 1982 ; L. Tanguy, Les Instituts du travail. La formation syndicale à l’université de 1955 à nos jours, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006.
[57] « Rapports présentés au 5e Congrès confédéral… », op. cit., p. 325.
[58] M. David, Témoins de l’impossible, op. cit., p. 120. [59] AN, CAC 19760121, article 067, Note du ministre du Travail et de la Sécurité sociale à M. le commissaire général à la Productivité au sujet de deux demandes (FO et CFTC), 27 juillet 1954.
[60] « Rapports présentés au 4e Congrès confédéral de la CGT-Force Ouvrière – xxxvie Congrès National Corporatif. 22-25 novembre 1954 », Force Ouvrière Informations, n° 32, septembre 1954, p. 262.
[61] M. Braud, « La CGT-FO et l’autogestion. Quelques remarques », in F. Georgi (dir.), Autogestion. La dernière utopie ?, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003, p. 271-286.
[62] « Rapports présentés au 4e Congrès confédéral… », op. cit., p. 165.
[63] L. Tanguy, Les instituts du travail…, op. cit., p. 125-164.
[64] M. David, Témoins de l’impossible, op. cit., p. 135.
[65] Ibid., p. 141.
[66] Cf. l’éditorial de ce numéro spécial du Mouvement Social.
[67] Article 3 de la loi n° 59-1481 du 28 décembre 1959.
[68] Cette intégration s’opère dans la seconde moitié des années 1960. L. Tanguy, Les instituts…, op. cit., p. 194-196.
[69] « Adaptons nos structures éducatives aux exigences du syndicalisme moderne », FOI, n° 102, février 1961, p. 69-82. À cette date, Pierre Galoni a succédé à Rose Étienne comme secrétaire confédéral chargé des activités éducatives. Ce pupille de la nation né en 1915, boursier devenu instituteur puis professeur de l’enseignement professionnel, était le secrétaire général de la FEN-FO (M. Dreyfus, « Galoni, Pierre », in J. Maitron (dir.), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, op. cit., t. 29, 1987).
[70] A. Bergeron et P. Galoni, « Réorganisation du Service de la Formation », circulaire confédérale aux UD et fédérations, 13 janvier 1964.
[71] Idem.
[72] « Rapports présentés au 9e Congrès confédéral », Force Ouvrière Informations, n° 158, mars 1966, p. 311.
[73] Entretien du 8 octobre 2009.
[74] Peuple et Culture est une association d’éducation populaire issue de la Résistance, dont certains animateurs jouent un rôle essentiel dans la promotion de la formation en entreprise, cf. V. Troger, « De l’éducation populaire à la formation professionnelle, l’action de Peuple et Culture », Sociétés contemporaines, n° 35, juillet 1999, p. 19-42, et M.-B. Vincent, « Démocratiser l’Allemagne de l’Ouest après 1945 : l’engagement d’une association française d’éducation populaire, Peuple et Culture », Le Mouvement Social, n° 234, janvier-mars 2011, p. 83-101.
[75] L. Tanguy, « La mise en équivalence de la formation avec l’emploi dans les IVe et Ve Plans (1962-1970) », Revue française de sociologie, 43, octobre-décembre 2002, p. 685-709.
[76] « Formation des militants 1966-67 », FOI Bulletin, supplément au n° 159 de FOI, avril 1966. [77] Sur ces événements, cf. K. Yon, Retour sur les rapports entre syndicalisme et politique…, op. cit.
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