mercredi 28 mai 2025

L'ASSASSINAT d'EUGÈNE VARLIN (28 mai 1871)

 


    Louise Michel décrit l’assassinat par les Versaillais d’Eugène Varlin qui est resté dans l’histoire du mouvement ouvrier, comme  elle-même, le symbole du soulèvement populaire.

    « La  Commune était morte, ensevelissant avec elle des milliers de héros  inconnus. Ce dernier coup de canon à double charge énorme et lourd !  Nous sentions bien que c’était la fin ; mais tenaces comme on l’est dans  la défaite, nous n’en convenions pas...

    Ce même  dimanche 28 mai, le maréchal Mac-Mahon fit afficher dans Paris désert :  “Habitants de Paris, l’armée de la France est venue vous sauver ! Paris  est délivré, nos soldats ont enlevé en quatre heures les dernières  positions occupées par les insurgés. Aujourd’hui la lutte est terminée,  l’ordre, le travail, la sécurité vont renaître”. 

    Ce dimanche-là, du côté  de la rue de Lafayette, fut arrêté Varlin : on lui lia les mains et son  nom ayant attiré l’attention, il se trouva bientôt entouré par la foule  étrange des mauvais jours. On le mit au milieu d’un piquet de soldats  pour le conduire à la butte qui était l’abattoir. La foule grossissait,  non pas celle que nous connaissions : houleuse, impressionnable,  généreuse, mais la foule des défaites qui vient acclamer les vainqueurs  et insulter les vaincus, la foule du vae victis éternel. La Commune  était à terre, cette foule, elle, aidait aux égorgements. On allait  d’abord fusiller Varlin près d’un mur, au pied des buttes, mais une voix  s’écria : “il faut le promener encore” ; d’autres criaient : “allons  rue des Rosiers”.

    Les soldats et l’officier  obéirent ; Varlin, toujours les mains liées, gravit les buttes, sous  l’insulte, les cris, les coups ; il y avait environ deux mille de ces  misérables ; il marchait sans faiblir, la tête haute, le fusil d’un  soldat partit sans commandement et termina son supplice, les autres  suivirent. Les soldats se précipitèrent pour l’achever, il était mort.  Tout le Paris réactionnaire et badaud, celui qui se cache aux heures  terribles, n’ayant plus rien à craindre vint voir le cadavre de Varlin.  Mac Mahon, secouant sans cesse les huit cents et quelques cadavres  qu’avait fait la Commune, légalisait aux yeux des aveugles la terreur et  la mort. 

    Vinoy, Ladmirault, Douay, Clinchamps, dirigeaient l’abattoir  écartelant Paris, dit Lissagaray, à quatre commandements.

      « Combien  eût été plus beau le bûcher qui, vivants, nous eût ensevelis, que cet  immense charnier !

Combien de cendres semées aux quatre vents pour la  liberté eussent moins terrifié les populations, que ces boucheries  humaines !

Il fallait aux vieillards de Versailles ce bain de sang pour  réchauffer leurs vieux corps tremblants. »



Source : Confédération Générale du Travail FORCE OUVRIÈRE 

 

 

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 VARLIN Eugène (Louis, Eugène, dit)

Dictionnaire des anarchistes

 

    Né le 5 octobre 1839 à Claye-Souilly  (Seine-et-Oise), fusillé à Paris le 28 mai 1871 ; ouvrier relieur ;  socialiste, syndicaliste et coopérateur ; un des dirigeants de l’AIT en  France ; membre de la minorité anti-autoritaire de la Commune de Paris.

    Si Eugène Varlin ne peut être considéré comme anarchiste stricto  sensu, le mouvement anarchiste se réclame communément de ce militant  précurseur du syndicalisme révolutionnaire, proche de Bakounine au sein  de la Première Internationale, et membre de la minorité anti-autoritaire  de la Commune de Paris.

    Ouvrier relieur très instruit, Eugène Varlin participa dès 1857 à la  fondation de la Société civile des relieurs, une société de secours  mutuels associant patrons et ouvriers. Il habitait alors 33, rue  Dauphine, à Paris VIe.

    En août 1864, il participa à la grève victorieuse des relieurs. Une  deuxième grève se produisit en 1865, qui échoua. Exclu de la société  mixte patrons-ouvriers, Varlin aida à la création de la Société  d’épargne et de crédit mutuel des ouvriers relieurs, dont il fut élu  président. Partisan de l’égalité des sexes, chose rare à l’époque, Varlin imposa la présence de la future communarde Nathalie Le Mel au  sein du conseil d’administration.

    L’année précédente avait été créée l’Association internationale des  travailleurs (AIT). Le premier bureau parisien s’installa en janvier  1865, 44, rue des Gravilliers, à Paris 3e. Varlin y adhéra (carte  n° 256) et entre à la commission administrative. Du 25 au 29 septembre  1865, il assista à Londres à la conférence de l’AIT, où il fit la  connaissance de Marx.

    Du 3 au 8 septembre 1866 Varlin fut délégué au Ier congrès de l’AIT à  Genève. Il s’y trouva en minorité dans la délégation parisienne en  défendant le droit au travail des femmes, et l’instruction publique  obligatoire des enfants (au lieu de l’éducation par les mères).

    En cette année 1868 commencèrent les poursuites contre l’AIT. En  mars, Eugène Varlin devint un des trois secrétaires de la section  parisienne, où les collectivistes prenaient l’avantage sur les  proudhoniens. En 24 juin, plusieurs responsables de la section furent  condamnés à trois mois de prison et à 100 francs d’amende. Varlin,  écroué en juillet, ne put participer au congrès de Bruxelles de l’AIT.

    À sa sortie de prison, en octobre, Varlin s’attela à la  reconstruction de l’AIT en France. L’année 1869 fut fertile en grèves,  et il s’en fit le promoteur, y voyant « l’organisation des forces  révolutionnaires du travail » (L’Égalité du 20 novembre 1869). La grève,  pour Varlin devait être autant une école de lutte qu’un moyen  d’améliorer la condition ouvrière. Le syndicalisme révolutionnaire  reprendra cette idée.

    L’année 1869 fut aussi une année d’élections. Malgré l’opposition des  « abstentionnistes, proudhoniens enragés », écrivit-il à Aubry le 8  janvier, Varlin présenta, en compagnie de 19 membres de l’AIT, un  programme d’inspiration républicaine et socialiste aux élections  générales de mai.

    Délégué au IVe congrès de l’AIT à Bâle, en septembre 1869, une majorité  collectiviste s’affirma. Hostile à l’étatisme, partisan de  l’auto-organisation des travailleurs, Varlin rejoignit alors, pendant  quelque temps, le courant animé par Michel Bakounine, sans adhérer à  toutes ses vues.
 

    Dans Le Commerce du 19 septembre il écrivit : « Les sociétés  corporatives (résistance, solidarité, syndicat) […] forment les éléments  naturels de l’édifice social de l’avenir ; ce sont elles qui pourront  facilement se transformer en associations de producteurs ; ce sont elles  qui pourront mettre en œuvre l’outillage social et organiser la  production. » Là encore, l’idée sera développée par Fernand Pelloutier.

    Durant le premier semestre 1870, Varlin parcourut le pays aider à  créer des sections de l’AIT. Une nouvelle vague de répression le  contraint à se réfugier en Belgique.

    Rentré en France au lendemain de la proclamation de la République, en  septembre 1870, il devint commandant du 193e bataillon de la Garde  nationale et entra au Comité central provisoire des vingt  arrondissements de Paris avec 6 autres membres de l’AIT. Il cosigna la  circulaire aux sections de province de l’AIT, qui déclarait : « Paris  assiégé par le roi de Prusse, c’est la civilisation, c’est la révolution  en péril. Nous voulons défendre Paris à outrance [...]. Notre  révolution à nous n’est pas encore faite, et nous la ferons lorsque,  débarrassés de l’invasion, nous jetterons révolutionnairement les  fondements de la société égalitaire que nous voulons. »

    Après le 18 mars 1871, Varlin fut élu par les 17e, 12e et 6e  arrondissements pour siéger à la Commune. Varlin choisit de représenter  le 6e et participa à la commission des Finances, passa aux Subsistances  puis à l’Intendance.

    Le 1er mai, il fit partie de la minorité anti-autoritaire du conseil de la Commune qui s’opposa à la création du comité de Salut public. Le 15  mai, il cosigna la déclaration accusant la Commune de Paris d’avoir  « abdiqué son pouvoir entre les mains d’une dictature à laquelle elle a  donné le nom de Salut public. »

    Au cours de la Semaine sanglante, du 21 au 28 mai 1871, Varlin se battit  sur les barricades jusqu’au dernier jour. Il tenta vainement de  s’opposer au massacre des otages. Le dimanche 28, alors qu’il errait rue  Lafayette, il fut dénoncé et arrêté. Conduit rue des Rosiers –  aujourd’hui rue du Chevalier-de-la-Barre – il fut adossé à un mur. Avant  d’être fusillé, il cria : «  se battit  sur les barricades jusqu’au dernier jour. Il tenta vainement de  s’opposer au massacre des otages. Le dimanche 28, alors qu’il errait rue  Lafayette, il fut dénoncé et arrêté. Conduit rue des Rosiers –  aujourd’hui rue du Chevalier-de-la-Barre – il fut adossé à un mur. Avant  d’être fusillé, il cria : « Vive la République ! Vive la Commune ! »

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